Le combat principal de Vladimir Poutine est avec l’ennemi intérieur et non pas avec celui de l’extérieur
30.07.2014
L’introduction
d'une nouvelle
étape de sanctions économiques contre la Russie a été officiellement annoncée.
Bien que la rupture entre la Russie et
l'Occident après la Crimée ait été prédéterminée, cependant il n’était pas encore clair si la guerre politique et
économique commençait seulement avec les
États-Unis, ou avec l'ensemble du
bloc occidental, et à quelle vitesse s’avancerait
la détérioration des relations, et
d'autres détails non sans importance, mais pas réellement cruciaux.
Pour cette raison, une partie de
l'élite politique et des affaires russes avait espoir que
le retournement de la Russie vers le développement autonome aurait pu encore,
sinon être évité, alors, au moins
le faire plus mesuré et donc réversible. Ils ont inventé, eux-mêmes,
l'idée que Poutine veut simplement
« verrouiller des profits avec
la Crimée »,
« élever le statut de la Russie » – ce qui signifie qu'il
y a une chance que l’Occident s’engagerait et menacerait un peu, et puis accepterait le fait
qu'il n'y ait plus de retour en arrière. Eh bien, Poutine,
alors, renoncerait à la Novorossia
en adoptant des méthodes économiques
de combat pour l'Ukraine. Et dans son ensemble, tôt
ou tard, tout se décanterait, il serait possible, comme
avant, de faire partie de « l'élite mondiale », de sa composante politique ou d’affaires. Mais
maintenant, ils n’ont plus ces espoirs (creux dès le départ).
De même, il ne fait aucun
doute que l'un des principaux
objectifs des États-Unis est le
changement de pouvoir en Russie – c’est précisément pour cela qu’ils ont besoin de sanctions, de l'isolement
et du blocus. Cela n’a aucune importance pour les États-Unis
sous quelle forme se produira le changement de pouvoir — si Poutine partira à la suite d’un complot des élites
ou de soulèvements populaires causés par la baisse
du niveau de vie et inspirés par la partie
libérale de l'élite. Il doit partir, car son cap présente une menace à l'hégémonie américaine. Pour Poutine, une telle attitude n'est pas nouvelle depuis bien longtemps –
il construit sa politique non pas à
partir de l'attitude américaine à son égard, mais simplement
en en tenant compte. De même, il comprend tous les problèmes internes du pays, ceux que les Anglo-Saxons
frapperont. Et l’essentiel d'entre
eux est une élite faible, corrompue, consommatrice et
idéologiquement hétéroclite dont l’émeute sera provoquée par les Américains,
en intensifiant la pression et les sanctions contre
la Russie.
Les États-Unis, en
effet, sont persuadés que puisque les enfants et l'argent
de beaucoup de nos « élitistes » sont à l'Occident,
alors il sera plus facile à exercer la
pression sur eux. Cependant, en
2011-2012, ils se sont déjà
trompés dans les calculs en misant sur ce fait. La tentative d'arrêter Poutine a échoué et il a procédé au nettoyage de l'élite
cosmopolite qui incitait à la rébellion contre lui, en
considérant, et à juste titre, qu’elle accomplissait un ordre extérieur.
Son principal objectif était, justement, de protéger le pays de
la cinquième colonne, de ceux qui donneront un coup de poignard
dans le prochain affrontement direct avec les États-Unis. Il a réussi à faire beaucoup — mais, de
loin, pas tout.
La nationalisation de l'élite venait
de commencer — l'interdiction des comptes à l'étranger
n’est pas du tout équivalant à l’interdiction
du séjour de cerveaux loin de notre patrie. Poutine
a à peine eu le temps de faire sa déclaration sur la nécessité de transformer l'idéologie
patriotique, la culture, l'éducation, sur
la nécessité d’une nouvelle politique humaine... Mais même si Poutine avait
réussi à se débarrasser complètement de cette cinquième colonne
non dissimilée, de la corruption,
il n’aurait pas résolu le problème
principal : dans notre élite le pourcentage
d'esclaves idéologiques à l’Occident est extrêmement important, les cosmopolites mentaux qui, rien qu’à la pensée d'une possible rupture avec l'Occident tombent dans un état de stupeur. Comment cela – n’est-ce pas que nous sommes « une partie d'une grande maison européenne » ?
En réalité, l’occidentophilisme d’une grande partie de l'élite n’est qu’une
manifestation de son ignorance
fantastique de son propre pays et du peuple, de nos traditions,
notre culture et notre Histoire. C’est
un occidentophilisme d’élite coloniale — son cerveau est occupé
par des théories occidentales « à
la mode » au sujet de « l’ordre mondial
correct », comme cela s'est produit à plusieurs reprises dans l'histoire russe,
elle considère le peuple comme des
ploucs, et le pays — comme un territoire de
chasse. Une fois au pouvoir dans
le pays dans les années 90, ces
favoris ont immédiatement commencé à
se préparer une échappatoire à l'Occident
— car « votre cœur est là où
est votre trésor ». L’élite adorait le veau d'or et la consommation, et le lieu de résidence du veau d’or est à l’Occident, alors,
les « réformateurs » gouvernant le pays à cette époque s’y sont précipités.
D'abord, ils ont essayé
d’entraîner avec eux le pays afin de lui enseigner les « valeurs
européennes », mais au début
des années 2000, il est devenu clair que la Russie
ne veut pas devenir une partie du monde occidental. Ensuite, l'élite a décidé de « gagner
en Russie et dépenser en Europe »
— et c’est ce qu’ils ont fait
pendant toutes les années 2000. Cependant,
en parallèle, une nouvelle classe militaire se
formait en une élite — poutinienne. L'ossature
de la classe dirigeante, contrôlant les leviers-clés de la gouvernance, ces gens d’une manière générale, provenant des
services secrets, ont un état d’esprit patriotique, pour
la plupart d’entre eux, et veulent vraiment
servir la Patrie. Mais même parmi
eux beaucoup n'ont pas pu résister à la
tentation du capitalisme mondial de
consommation, en oubliant qu’on ne peut pas servir deux
maîtres.
Une autre partie du cercle intime de Poutine proposait instamment, mais pas
publiquement, de chercher un nouveau modèle économique et social pour la Russie, se
rendant compte que le modèle actuel mixte
oligarco-étatique, capitaliste, liée au
monde financier occidental et,
surtout, à l’éthique occidentale du
marché libre et à la société de
consommation, n'est pas viable et
tout simplement néfaste pour la Russie.
Malheureusement, les débats idéologiques sur le choix la direction du chemin pour la
Russie n’ont pas été publics. En
grande partie dû au fait que la
partie libérale de l'élite,
qui occupait les sièges à la fois
d’experts et de
propagande idéologique, discréditait
par tous les moyens tout débat quant
à savoir si le système économique
correspond à des valeurs nationales, en déclarant
d’avance tout modèle socio-économique alternatif comme impossible
et utopique. En
conséquence, la Russie suivait la voie de la mondialisation – sans trop
s’opposer, en se désarmant complètement idéologiquement et en résistant fermement politiquement.
L'indépendance aussi bien dans la politique intérieure que
dans la géopolitique était nécessaire à Vladimir Poutine afin de
renforcer la souveraineté de la Russie et d'augmenter sa force.
Pendant toutes ces années, il se
trouvait entre la pression de forces extérieures cherchant non seulement à empêcher le
rétablissement de l'influence russe, mais aussi à
organiser la deuxième série de démembrement
de la Russie, et les forces intérieures
ne voulant pas renoncer aux pouvoirs et biens usurpés dans
les années 90, n’étant pas intéressés
d’avoir un président fort et indépendant. Au tournant de la décennie, cette pression semblait avoir atteint son point culminant – et,
alors, Poutine a relevé le
défi en revenant dans le fauteuil
présidentiel.
Tout ce qu'il a fait à partir
de 2011 était une préparation à un
conflit ouvert – aussi bien avec les adversaires
à l’extérieur qu’à l’intérieur. Et le fait qu'il avait assez facilement réussi de gagner au premier round des années 2011-2012,
ne voulait absolument pas dire qu'il
était prêt à continuer à se reposer sur ses lauriers — la bataille décisive s’approchait. Et elle s’est déclenchée en été 2013 par l’affaire de Snowden, atteignant maintenant, à la veille du mois d’août 2014, son intensité maximale.
Pour l’instant, Poutine combat l’ennemi
extérieur – cependant, il ne fait aucun doute que la principale bataille qu'il aura à gagner
est à l’intérieur du pays. La bataille
avec les États-Unis n’annule pas la nécessité de résoudre la question fondamentale de la genèse russe –
on attend de Poutine, jouissant actuellement
d'un soutien populaire phénoménal, non seulement des victoires sur le front extérieur, mais aussi d’un revirement sur le front intérieur. Même s'il n'y avait pas de conflits avec l'Occident, la nécessité de changements
internes fondamentaux resterait vitale. Maintenant,
après le début de la confrontation
directe, le nettoyage et l’idéologisation
de l’élite deviennent un gage pour sauver la Russie. Non
pas parce que l'élite fera un coup
dans le dos — dans un avenir proche prévisible,
Dieu merci, cela ne sera pas d’actualité —, mais parce qu'elle ne pourra tout simplement pas résoudre les défis auxquels le pays fait face. Formuler et mettre en œuvre un programme de développement
national — économique, culturel, social — mener
un jeu global sur
tous les continents et dans tous
les domaines ne peut être le fait que d’une équipe animée du même esprit. Pas des gens raisonnant de la même façon, mais des patriotes ayant une connaissance parfaite non seulement de l'expérience et de l'Histoire russes, mais aussi des
technologies et des raisons d’autres
puissances et civilisations, comprenant leurs objectifs et la philosophie du combat.
Et le plus
important, sans
feinte, mais considérant sincèrement
les valeurs traditionnelles russes (pas seulement spirituelles,
familiales, mais aussi géopolitiques) comme leurs propres, et mettant les intérêts de la Patrie, sans aucun doute, par-dessus les intérêts personnels. Ces gens n’existent pas ? Cependant, il y en a suffisamment dans l’élite actuelle — tout simplement maintenant non seulement
les gens doivent se rallier autour de Poutine, mais aussi l’échelon
central doit travailler pas pour la peur, mais pour pleine
conscience.
Il est impossible
de résister
à la pression de l'Occident et
devant les épreuves internes inévitables,
juste parce que tu as peur de Poutine et que tu crains de perdre ta place.
Et il est encore plus impossible d'introduire un nouveau modèle de
gouvernance et d'organisation sociale,
si tu n’y crois pas toi-même. Il
est impossible de travailler de la
nouvelle manière (pas dans les
conditions d’une forteresse assiégée, mais en créant de
nouvelles productions et en redonnant un sens à la genèse russe), si
tu t’es habitué à des commissions occultes et que tu espères que
tu pourras les dépenser même si ce n’est pas à l'étranger, en Russie.
Est-ce que Poutine
a une alternative ?
Peut-il ne pas approfondir le nettoyage de l’élite en
se justifiant par le fait que ce n'est pas le moment
maintenant, parce que « la Patrie est en danger », mais aussi que la menace d'un « coup
de poignard dans le dos » n’est
plus tellement grande ? Non — parce que son but principal n’est nullement de résister
à la pression des mondialistes,
mais d'amener la Russie sur sa voie historique. De rendre la confiance dans ses capacités et de créer
le maximum d'opportunités pour la croissance et le développement autarciques, en jetant les
bases de l'ordre social, fondé sur des
valeurs nationales et acceptables pour notre peuple. Pour de grands objectifs, on a besoin de grands
hommes — sinon on se fera tout
simplement écraser. Si ce n’est pas par des manigances extérieures
– alors par des contradictions intérieures.
Traduction : GalCha
Pour la traduction: "autocratique" doit être "autarchique".
RépondreSupprimerMerci de votre contribution, la remarque est juste. Cependant nous préférerons le terme "autarcique" pour remplacer "autocratique indépendant"
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