Rostislav Itschenko : Russie
– UE : « Longue route dans les dunes »
(Titre
d’un film culte soviétique)
27-07-2014
Les événements
évoluent très vite dans le monde actuel. En 2013, l'UE et la Russie menaient
une lutte pour l'Ukraine, dont le choix en faveur de l'Accord d'Association ou de
l'Union Douanière devait déterminer le vainqueur.
Depuis le mois de mars 2014, la Russie mène une lutte contre les
États-Unis pour l'Union européenne.
En espace de trois mois environ (de fin
novembre à fin février) l’Ukraine a cessé d'être un prix dans le jeu
géopolitique et s’est transformée en un champ de bataille (aux sens propre et
figuré du terme).
L’attention
du public (notamment russe et ukrainien) est rivée sur les combats dans le Sud-Est
de l'Ukraine. La prise et l’abandon des villes, l’avance et le retrait de 5-40
kilomètres, les bombardements et les pertes, les encerclements et les réfugiés, contraignent beaucoup de personnes trois fois par
jour de passer d'un état d'euphorie à un état de dépression et vice-versa. Un
seul et même événement conduit le public patriotique à Kiev et à Moscou à des
conclusions diamétralement opposées. Ce qui provoque les cris en Russie « Poutine
a laissé tomber ! », en Ukraine, paradoxalement, est interprété comme
« Porochenko a laissé tomber ! »
Cependant,
après tout, les combats dans le Donbass ne sont qu’un fond de lourdes batailles
diplomatiques et politiques visant un résultat stratégique. Ce résultat est le
passage de l'UE de l’état d'allié subalterne de l’État des États-Unis en mode
de partenariat étroit avec la Russie. Le cours de la lutte en soi rappelle une confrontation
UE-Russie autour de l'Ukraine l'année dernière.
De
même, comme en son temps à l'Ukraine, la Russie fait à l’UE une offre qui ne se
refuse pas. Moscou propose à Bruxelles le salut d'un désastre financier et
économique, et pas seulement la préservation, mais même une légère augmentation
de son statut géopolitique. De la même façon qu’il y a exactement un an à Kiev,
Bruxelles ne peut pas faire un choix univoque. La logique et l'économie exigent
impérativement de sauter au plus vite dans les bras ouverts de la Russie. Les
traditions politiques et les relations de longue date, l’orientation de la
majorité de l'élite, et, enfin, l'opposition (sur les questions stratégiques
d'orientation de la politique étrangère) entre la « vieille Europe »,
préservant l'idée de son propre intérêt, et les acquisitions de l’Europe
orientale (les pays baltes, la Pologne), sans équivoque orientés sur les
États-Unis, contraignent l’Union européenne à se comporter prudemment, en
essayant de laisser les deux portes ouvertes.
Cependant,
tout comme vers la fin octobre 2013 Kiev a clairement compris qu’il doit
choisir entre la signature de l'accord avec l'UE et la préservation de la
stabilité financière et économique, aujourd'hui on montre clairement à l'UE
elle-même qu’il faudra faire un choix. Et le problème du choix sonne à peu près
de la même façon que les Américains ont eu l’habitude de le formuler (cependant
exactement le contraire). L’UE devra décider avec qui elle est : avec
l'Amérique ou avec l'ensemble du monde civilisé ?
Voyons
voir, ce que les trois mois de non-intervention de la Russie dans la guerre
civile en Ukraine ont donné en termes géopolitiques ?
On
a commencé à oublier tranquillement le contrat chinois. Et c’est à tort, car il
ne s’agit pas seulement d’un énorme marché alternatif (à l’européen) pour le
gaz russe, mais aussi pour la coopération économique et politico-militaire de
grande envergure. La coopération militaro-technique russo-chinoise, agrémentée de
nombreux exercices conjoints, peut être dirigée seulement contre un seul État, lui-même
se considérant toujours le maître dans l'océan Pacifique. En outre, la doctrine
militaire des États-Unis considère le contrôle militaire de la région de l'Océan
Pacifique comme l'une des principales garanties de la sécurité nationale (à la
fois militaire et économique). Aujourd'hui, la flotte chinoise s’est presque
assuré la possibilité de sortir des mers intérieures dans les vastes espaces
stratégiques. Mais, pour que « presque » devienne « complètement »,
la Chine aurait encore eu besoin de 5 à 7 ans de travail acharné sur le
développement de ses forces navales. Mais avec la flotte du Pacifique de la
marine russe, la Chine est déjà en mesure de remettre en question la domination
américaine dans la région clé du monde des États-Unis.
Ensuite
a suivi la visite de Vladimir Poutine en Amérique latine. Parmi les résultats, seulement
en surface : les accords sur les bases militaires à Cuba, Venezuela et Argentine,
ainsi que le soutien du projet nicaraguayen de canal reliant l'Atlantique et le
Pacifique (une alternative au canal de Panama contrôlé par les États-Unis). Eh
bien, là où il y a un canal, il faut une base pour sa défense. Les USA sont en
train d’être évincés de son « arrière-cour », après presque 200 ans
de domination incontestée en Amérique latine. À moyen terme, les États-Unis sont
en train de perdre le monopole sur le contrôle de la route la plus courte entre
l'Atlantique et le Pacifique, et donc (ce qui est plus important des avantages
commerciaux) le monopole sur la manœuvre de la flotte militaire entre les deux
océans. La Russie ne doit même pas envoyer des navires dans le nouveau canal. Les
bases déjà déclarées contrôlent de manière fiable le canal de Panama et rendent
impossible son utilisation pour assurer des combats.
Plusieurs
piqûres ponctuelles ont déprécié le réseau des 702 bases militaires à
l’étranger (à l’état de 2003), développé par États-Unis depuis des décennies. Les
communications de ces bases sont interceptées, et la flotte — la base de la
puissance militaire américaine — est privée d'espace pour manœuvrer et se
trouve liée dans la zone de combats du Pacifique et de l'Atlantique Nord (et en
plus divisée).
Enfin,
lors du sommet des BRICS, V. Poutine s’est prononcé pour s’affranchir du dollar
dans les transactions internationales. Et il a été très favorablement écouté.
Et non seulement écouté – les mesures concrètes sont envisagées. En fait, la
base de la prospérité économique et financière des États-Unis (garantissant la
stabilité sociale) — le statut du dollar comme unique monnaie de réserve du monde
est mis en péril.
On
a clairement démontré à l'Europe que l'ère de la domination politico-militaire
et économico-financière des États-Unis sur la planète touche à sa fin.
Washington ne sera plus en mesure de partager avec Bruxelles les ressources
confisquées des diverses Libye, Syrie et autre Ukraine. Maintenant, la
conservation de l’union USA-UE signifie que l'Europe devrait être volée afin de
reporter l'effondrement économique des États-Unis, de donner à Washington la
possibilité de gagner du temps en espérant un autre miracle géopolitique comme
l'effondrement de l'URSS.
La
majorité des bureaucrates de Bruxelles est dure à cuire. Leur bien-être
personnel ne sera pas affecté, même si dans les rues de Londres, Paris et
Berlin va prospérer le cannibalisme — comme le bien-être personnel de l’élite
ukrainienne n'est pas affecté par la guerre civile en Ukraine. Mais, en dehors
de la bureaucratie européenne, l'UE possède encore des élites politiques
nationales. Ces élites doivent périodiquement prouver aux élections leur
légitimité. Les élections financées par le business national qui n'est pas du
tout prêt à mourir pour les intérêts de l'oligarchie américaine et de la
bureaucratie bruxelloise.
Les
politiciens de l'UE sont dans un état de dissonance cognitive. Toute leur
expérience précédente témoigne que pour réussir, il faut s’orienter sur les États-Unis,
et la réalité quotidienne prouve que pour sauver leur pays, les capitaux et les
positions politiques il faut courir aussi loin que possible des États-Unis.
Dans la mesure où ni l'UE et ni aucun de ses États membres ne peuvent assurer indépendamment
sa sécurité (le salut, l’OTAN), la rupture avec les États-Unis dicte une alliance
avec la Russie.
Et
cette union se trouve plus équitable que l'euro-américaine. Et il ne s’agit pas
seulement de la tradition politique russe (bien que de cela, aussi). Pour la
Russie, l’alliance avec l'Europe équilibre son alliance avec la Chine, tout en permettant
d’éviter la dépendance unilatérale au marché chinois et les perspectives de
rester dans l'Extrême-Orient seul à seul avec le géant d’un milliard et demi,
qui, dans dix ou vingt ans aura des forces armées tout à fait modernes capables
de rivaliser avec les forces armées de la Fédération de Russie.
L’Union
européenne comprend la motivation russe et les avantages des propositions
russes. Cependant, comme cela a été déjà dit, l'élite politique et économique
de l'UE est divisée en partisans des jeux géopolitiques indépendants (ils sont
aussi partisans de l'orientation pro-russe) et ceux qui ne veulent pas réformer
le calendrier (lobby pro-américain). Les forces de ces groupes d'élite opposés sont
à peu près égales. D'où les fluctuations politiques. Merkel un coup est pour
les sanctions, un coup contre. Hollande défend le droit de la France d'honorer les
contrats des « Mistral », mais se tient prêt à soutenir les sanctions
si elles n'affectent pas ces contrats. Cameron exige activement d’introduire les
sanctions sectorielles, tandis que la Grande-Bretagne n'a pas l'intention
d'annuler plus de 200 licences pour les exportations en Russie les produits militaires
et à double usage.
En
six mois écoulés depuis le mois de février, l'UE a bien avancé dans la
direction du renforcement des relations avec Moscou. Imperceptibles à ceux qui
sont plongés dans les vicissitudes de la guerre civile dans le Sud-Est, mais très
efficaces, les mesures entreprises par la Russie pour évincer des États-Unis des
zones géopolitiques clés pendant le temps gagné pour elle par la résistance
héroïque des combattants du Donbass, sont une bonne incitation pour l'adoption par
les politiciens européens des bonnes décisions. Néanmoins, aujourd'hui, l'UE
n'est pas encore prête à rompre nettement avec les États-Unis. Les politiciens
européens préféreront attendre, laisser toutes les portes ouvertes et se
joindre au vainqueur incontestable.
De
toute façon, ils devront prendre une décision, et la prendre déjà bientôt. Les
États-Unis n'ont pas le temps, ni les ressources d’entretenir infiniment le
régime de Kiev et mener infiniment la guerre civile. Ils sont déjà épuisés.
D'où les folles « offensives finales » et la provocation ratée avec
la destruction du « Boeing » malaisien. On met déjà en œuvre des
coups clairement aventureux. Il ne reste plus qu'à obliger Porochenko d’attaquer
la Crimée et la limite des aventures sera complètement épuisée.
Washington
aurait bien forcé, et Porochenko aurait bien attaqué la Crimée (probablement
c’est ce qui va arriver), mais aujourd'hui, il est impossible de calculer avec
précision la réponse de l'UE à la suite des événements. Il est possible qu’en
attirant ainsi la Russie dans une confrontation militaire directe avec le
régime de Kiev, les États-Unis soient en mesure, la dernière fois, de réunir
brièvement autour d’eux des alliés européens.
Mais,
premièrement, que faut-il faire après ? Combien de temps existera-t-elle cette
union fondée sur la provocation mettant le monde au bord d'une catastrophe
nucléaire ?
Deuxièmement,
comme on l'a déjà dit, la situation dans l'UE est fragile, et nul ne sait vers où
le balancier s’en ira. La provocation d'une telle ampleur que l'attaque de la Crimée
par l’Ukraine peut définitivement pousser l'UE dans les bras de la Russie.
Et
enfin, troisièmement, l'UE pourra ne pas résister aux contradictions internes
et pourra éclater comme le ballon préféré du petit cochon rose Porcinet.
En
principe, probablement, les États-Unis ne seraient pas contre l’autodestruction
de l'UE, mais pas tout de suite et pas de cette manière. Washington n'est tout
simplement pas prêt à recueillir tous les débris et à leur redonner la forme qui
leur convient. Encore une fois, il y a un risque que beaucoup reviendrait à la
Russie.
Jusqu'à
présent, dans la lutte pour l'UE, le temps travaille pour la Russie. Encore
deux ou trois mois de même dynamique de développement des événements et nous pourrons
nous attendre à de grandes surprises géopolitiques. Toutefois, Washington a
encore la possibilité d’arracher le stop-vite, mais cette guerre avec une
grande probabilité sera nucléaire. Si l'Amérique ose à se lancer dans une
dernière aventure, on en finira avec la politique, et l'histoire sera écrite
par des survivants – s’il y en a.
Président
du Centre d’analyse systémique et de prévision, Rostislav Itschenko
Agence
centrale d’information de Novorossia
Novorus.info
Source : novorus.info-news-analytics : Ростислав Ищенко: Россия – ЕС: «Долгая дорога в дюнах»
Traduction : GalCha
Bonjour,
RépondreSupprimerJe découvre votre site et je viens de passer deux heures à lire plusieurs textes, tous passionnants. Je ne fais confiance à aucun dirigeant européen. Rienzi a semblé un moment un peu plus mordant. Peut-être essaie-t-il de ne pas compromettre les chances d'une nomination de sa ministre des affaires étrangères en remplacement de l'anglaise nullissime - et au service des intérêts anglo-saxon - au poste de responsable de la "politique étrangère" de l'UE - pour autant qu'il y en ait une.
Il n'y a rien à attendre des dirigeants, mais si M. Poutine sélectionne habilement les contre-sanctions - comme il semble avoir commencé à le faire - je crois que les peuples se révolteront. et n'accepteront pas une augmentation du chômage par obéissance aux ordres américains. Le dernier édito du Monde est une honte!
Aline
Bonsoir,
RépondreSupprimerje n'ai pas eu le courage de trop fouiller votre site.
Je ne nie la sauvagerie et la brutalité des américains, en tous cas de ceux qui sont montrés dans vos films, mais je sais que malheureusement, l'homme est partout égal à lui-même.
Je ne voudrais pas être un jour moi-même intégré dans un conflit et voir un de mes proches ou un de mes compagnons tué. Qui sait quelle sauvagerie sommeille en tout homme que l'on croise dans la rue chaque jour comme en moi-même..
Mon père était un officier de marine de la flotte de la mer noire à Sébastopol, en 1920, sur un cuirassé du nom de Général Alexeiev.
Si la flotte n'a pas poursuivi le combat ce 20 décembre de cette année-là, c'est que la Ville de Sebastopol grouillait de réfugiés venus principalement de Biélorussie et d'Ukraine.
Or ces réfugiés racontaient les crimes horribles commis par les bolcheviks contre la population civile. Des crimes qui valaient bien ceux que vous montrez dans vos films.
Cette année là, la flotte de la mer noire, sous le commandement du vice-amiral Mikhaïl Kedrov, a décidé d'évacuer 150 000 personnes de Sébastopol plutôt que de les laisser à la merci des bolcheviks.
Cette histoire, qui fait partie de l'histoire de ma famille et m'apprends que, sous quelque latitude que ce soit, l'homme est un loup pour l'homme.
Le drame actuel vécu par la Nouvelle-Russie ne fait que le rappeler.
Je suis déchiré lorsque je regarde sur internet les photos des victimes civiles déchiquetées par les bombardements des fumiers du banderastan. Je suis aussi parfaitement conscient que ce sont les ricains qui ont organisé ce drame et que c'est l'ue qui le soutien financièrement; mais je sais aussi qu'on ne peut acheter que des gens à vendre.
Que sans la passivité, voir la complicité de la population, ces crimes ne se seraient pas produit et l'amérique aurait pu remballer ses "petits cadeaux".
Avec le soutien massif dont bénéficie M. Poutine en Russie, je doute que même le nouvel ambassadeur us à Moscou réussisse à acheter massivement la population russe comme ils ont acheté la population ukrainienne (vous remarquerez que, selon la règle élémentaire du français, je ne mets en majuscule que le 1ères lettres des noms PROPRES! Les noms SALES n'ont donc pas besoin de majuscule). Des personnes de valeur se révèlent dans les conflits, mais aussi, hélas, les pires éléments des sociétés humaines.
Surtout quand on les sort volontairement des prisons et des hôpitaux psychiatriques pour les habiller d'un uniforme, les armer et les envoyer au feu.
Vous avez amplement acquis le droit de faire de la propagande pour vos amis, mais je crois que vous avez tort de faire cet appel à la haine de tout un peuple envers un autre.
Si vous devez éliminer les nazis, tuez-les! Si il y en a 2000: tuez les 2000, mais arrêtez-vous là!
Je suis suisse et je suis surpris de trouver une dialectique aussi virulente sur un blogue ".ch". Êtes-vous suisse? Si c'est oui, alors vous n'avez aucune excuse pour votre appel à la haine et vous ne valez pas mieux que les criminels que vous dénoncez; car vous êtes bien à l'abri ici en Suisse et vous profitez du malheur d'une population pour distiller votre haine des américains sans vous exposer vous-même. Alors, vous êtes lâche et méprisable.
Si vous êtes un russe ethnique du Donbass, alors je peux vous comprendre. Vous vivez une guerre et des évènements terribles, et je peux comprendre que cela change les perceptions d'un homme.