The Guardian : les États-Unis nous entraînent dans une guerre contre la Russie (Ukraine)
Le rôle de Washington et son soutien aux néonazis a d’énormes implications dans le reste du monde
John
PILGER
Publié le 15 mai 2014
Pourquoi
tolérons-nous la menace d’une nouvelle guerre mondiale qui se mène en notre
nom ?
Pourquoi tolérons-nous les mensonges qui justifient ce
risque ?
L’état de notre endoctrinement, comme l’a écrit Harold Pinter,
est « un tour d’hypnose brillant, et couronné de succès », comme si
la vérité « ne s’était jamais déroulée, même au moment où elle se
déroulait ».
Chaque année l’historien américain William Blum publie
son "archive actualisée du résumé de la politique étrangère des États-Unis"
qui montre que, depuis 1945, les États-Unis ont tenté de renverser plus de 50
gouvernements, la plupart démocratiquement élus ; ont grossièrement
interféré dans les élections de 30 pays ; bombardé la population civile de
30 pays ; utilisé des armes chimiques et biologiques ; et tenté
d’assassiner des dirigeants étrangers.
Dans bien des cas la Grande-Bretagne était complice. Le
degré de souffrance humaine, et encore moins la criminalité, n’est jamais
reconnu en Occident, malgré la soi-disant présence des technologies de
communication les plus avancées, et du journalisme le plus libre du monde. Que
les victimes les plus nombreuses du terrorisme – de notre terrorisme, soient
des musulmans, est imprononçable. Que le djihadisme extrémiste, à l’origine du
11 septembre, fût créé comme arme de la politique étrangère britannique
(Opération Cyclone en Afghanistan) est occulté. En avril le département d’État
américain remarqua que, à la suite de la campagne de l’OTAN de 2011, « la
Libye est devenue un paradis pour les terroristes ».
Le nom de “notre” ennemi a évolué au fil des années, du
communisme à l’Islamisme, mais il s’agissait généralement de n’importe quelle
société indépendante du pouvoir de l’Occident et occupant des territoires
stratégiques ou riches en ressources. Les leaders de ces nations gênantes sont
généralement violemment mis à l’écart, comme les démocrates Muhammad Mossadegh
en Iran et Salvador Allende au Chili, où ils sont assassinés comme Patrice
Lumumba au Congo. Ils font tous l’objet d’une campagne médiatique de caricature
et de diabolisation – pensez à Fidel Castro, Hugo Chavez, et maintenant
Vladimir Poutine.
Le rôle de Washington en Ukraine est différent seulement
parce que ses implications nous concernent tous. Pour la première fois depuis
l’ère Reagan, les USA menacent d’entraîner le monde dans une guerre. Avec
l’Europe de l’est et les Balkans devenus des bases militaires de l’OTAN, le
dernier « état-tampon » frontalier de la Russie, est dévasté. Nous,
les occidentaux, soutenons des Néo-nazis dans un pays ou les Ukrainiens nazis
soutinrent Hitler. Ayant dirigé le coup d’état de Février contre le
gouvernement démocratiquement élu à Kiev, la tentative de Washington de
récupérer la base navale historiquement russe de Crimée a échouée. Les russes
se sont défendus, comme ils l’ont toujours fait contre chaque invasion
occidentale depuis presque un siècle.
Mais l’encerclement militaire de l’OTAN s’est accéléré,
en même temps que des attaques orchestrées par les USA sur les ethnies russes
d’Ukraine. Si Poutine peut être poussé à aller les aider, son rôle préétabli de
paria justifiera une guerre menée par l’OTAN qui se propagera sans doute à
l’intérieur du territoire Russe.
A la place, Poutine a embrouillé ses adversaires en
cherchant un terrain d’entente avec Washington et l’Europe, en retirant ses
troupes de la frontière ukrainienne et en incitant les ethnies russes d’Ukraine
de l’Est d’abandonner le référendum provocant du week-end. Ces gens,
russophones, bilingues – 1 tiers de la population de l’Ukraine – ont longtemps
souhaité l’avènement d’une fédération qui reflète la diversité ethnique du pays
et qui soit à la fois autonome et indépendante vis-à-vis de Moscou. La plupart
ne sont ni des « séparatistes » ni « des rebelles », mais
simplement des citoyens souhaitant vivre en sécurité dans leur pays.
Comme les ruines d’Irak et d’Afghanistan, l’Ukraine a été
transformée en un camp d’entrainement pour la CIA – dirigé par le directeur de
la CIA John Brennan à Kiev, avec des “unités spéciales” de la CIA et du FBI qui
mettent en place une “structure de sécurité” afin de superviser les attaques
sauvages de ceux qui se sont opposés au coup d’état de Février. Regardez les
vidéos, lisez les rapports des témoins du massacre d’Odessa. Des bandits
fascistes amenés par bus ont brulé les sièges des syndicats, tuant 41 personnes
bloquées à l’intérieur. Regardez la police laisser faire. Un docteur a décrit
sa tentative d’aller aider les gens, « mais j’ai étais stoppé par des
nazis pro-Ukrainiens. L’un deux m’a violemment poussé, en me promettant que
bientôt ce serait mon tour à moi et aux autres Juifs d’Odessa… Je me demande
pourquoi le monde entier reste silencieux. »
Les ukrainiens russophones se battent pour leur survie.
Quand Poutine a annoncé le retrait des troupes russes de la frontière, le
secrétaire à la défense de la junte, à Kiev – un des membres fondateurs du
parti fasciste « Svoboda », déclara que les attaques sur « les
insurgés » allaient continuer. Dans un style Orwellien, la propagande
occidentale a rejeté la faute sur Moscou « qui orchestre le conflit et la
provocation », selon William Hague. Son cynisme peut être comparé à la
grotesque félicitation d’Obama à la junte pour leur « retenue
remarquable » à la suite du massacre d’Odessa. Illégale et fasciste, la
junte est décrite par Obama comme « légalement élue ». Ce qui importe
ce n’est pas la vérité, a un jour dit Henry Kissinger, mais « ce qui est
perçu comme vrai ».
Dans les medias états-uniens, les atrocités d’Odessa ont
été minimisées ; une affaire "louche" et une "tragédie"
dans laquelle des "nationalistes" (Néo-nazis) ont attaqué des
"séparatistes" (des gens en train de collecter des signatures pour
un référendum sur une Ukraine fédérale). Le Wall Street Journal de Rupert
Murdoch a maudit les victimes – « Un incendie meurtrier en Ukraine
probablement allumé par les rebelles, selon le gouvernement ». La
propagande en Allemagne est digne de la guerre froide, avec la Frankfurter
Allgemeine Zeitung (littéralement, "Journal général de
Francfort") qui met en garde ses lecteurs contre la Russie et sa
"guerre non déclarée". Pour les allemands, le fait que Poutine soit
le seul leader à condamner la montée du fascisme au 21ème siècle relève de
l’ironie.
Un truisme populaire dit que “le monde a changé” à la
suite du 11 septembre.
Mais qu’est-ce qui a changé ?
Selon le fameux
lanceur d’alerte Daniel Ellsberg, un coup d’état silencieux a eu lieu à
Washington et un militarisme rampant dirige maintenant. Le pentagone dirige en
ce moment des "opérations spéciales" – des guerres secrètes – dans
124 pays. Aux États-Unis, une pauvreté en augmentation et des libertés
hémorragiques sont les corollaires historiques d’un état de guerre perpétuel.
Ajoutez à cela le risque de guerre nucléaire, et la question qui reste
est : Pourquoi tolérons-nous cela ?
le 13 mai 2014
Traduction Nicolas CASAUX du Collectif 4ème
singe http://4emesinge.com/
Source : theguardian.com-commentisfree / les-crises.fr / legrandsoir.info
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