mercredi 18 juin 2014

Bombardements - une histoire du Donbass - Slaviansk enterre ses morts

Slaviansk inhume ses habitants le jour même de leur mort



En raison de l’absence d’électricité la morgue de la ville ne fonctionne plus, cependant les habitants périssent toutes les nuits suite aux bombardements.
Photo: Alexandre KOTS, Dmitry STECHINE

Un signe est certain: dès que Porochenko exprime au moins un mot dans son discours à propos d’une hypothétique solution « pacifique » à la guerre civile qui dure, Slaviansk et les environs connaissent un réveil des puissants bombardements d’artillerie.
  
Les premières paroles du président de l’Ukraine d’un ultimatum de deux semaines aux « terroristes » et « séparatistes » ont été appuyées par des tirs de batteries d’artillerie cachées derrière le mont Karatchoun. Des «Grads», «Tulpans», et  « canons automoteurs d’artillerie » ont frappé Kramatorsk.  Les tirs tombaient sur les usines, sur les immeubles résidentiels à plusieurs étages et sur les maisons privées.  Le bombardement massif a duré plus d’une heure. Le résultat des tirs est confirmé officiellement - 6 habitants civils ont péris et 13 blessés.

 


Les corps sont amenés par les volontaires arrivés à Slaviansk. On enterre le jour même...
Photo: Alexandre KOTS, Dmitry STECHINE
Vers minuit, les batteries de gros calibre situées autour de Slaviansk ont retenti. Habituellement les tirs visaient Semienovka, Thcherevkovka et Vostotchny.  Si encore dans les deux premières localités les forces gouvernementales tentent de toucher les positions  des combattants, à Vostotchny il n’a y aucune force d’autodéfense.  C’est une zone neutre qui se trouve entre les deux feux (l'enclume et le marteau). Nous sommes venus ici la veille, nous avons filmé des maisons détruites et nous avons discuté avec les habitants. Et la nuit des obus se sont mis à pleuvoir sur eux. Les premiers obus sont tombés sur les maisons à la périphérie et dans les champs, et ensuite les tirs ont été modifiés vers le centre de la cité.  Cela ne ressemble pas à une erreur du correcteur de tirs. Du tout. Dans la rue déserte se trouvent les corps du couple Tchernigov – Vladimir et Olga. Les voisins les ont couverts avec des carpettes.  

— C’étaient des gens très aimables, gentils et travailleurs— nous racontent deux dames âgées, la mère et la fille.
— Il était à la retraite, et elle était employée du lycée technique de construction des centrales

— Etaient-ils liés aux combattants ? 
— Bien sûr que non. Simplement ils se sont retrouvés là — des tirs, des bombardements. Ici les habitants comme nous sont nombreux. Pour la plupart ce sont des vieux. Ça bombardait très fort aujourd’hui, et droit sur les maisons. Cela fait tellement peur qu’on n’a plus envie de vivre. Mais nous n’avons nulle part où aller. Ma mère a 73 ans, ma belle-mère en a 83. Nous ne pouvons pas les laisser périr.

Raissa Goulak, 72 ans, la nuit, quand les tirs ont commencé, est sortie sur le perron de sa maison. L’obus est tombé droit sur la maison, courbant en dedans la porte métallique.  La vieille dame n’avait aucune chance de survivre.



L’obus est tombé sur le perron de la maison de Raissa Goulak.
Photo: Alexandre KOTS, Dmitry STECHINE



— Nous avons l’habitude des tirs, — raconte Nathalia, la belle-fille de la défunte.   
— Les obus passent à côté. Mais cette nuit c’était terrible… Tout simplement, ils ont tout pilonné. Pourquoi, pour quelles idées? Elle aurait pu rester à la maison, mais elle a couru chez nous. Heureusement que nos enfants sont partis. Et quand à 5 heures du matin nous avons vu Volodia couché, et plus loin c’était Olia ! Elle a été complétement déchiquetée …
 Je ne sais plus quoi dire, désolée. Je veux seulement que ce gouvernement vienne ici sous les tirs et regarde son « chemin pacifique ». Et je ne sais pas ce qu’ils veulent de nous…

Le matin la famille a sorti Raissa Goulak des décombres, l’a couchée dans le jardin, l’a lavée en attendant l’équipe pour l’enterrement. Les pompes funèbres ne viennent dans ces lieux – trop dangereux.  

Ce sont des volontaires qui viennent à de tels appels. Et Vitaly «Bûcheron» est l’un d’eux :

—Il reste peu de gens dans la ville. Si une personne succombe loin de sa maison, on l’amène comme « inconnue », — il explique la spécificité de son travail tandis que les proches préparent le corps à l’enterrement.
— La morgue est fermée faute d’électricité. Par conséquent, on enterre dans la foulée. Il y a beaucoup d’inconnus. En moyenne 5 corps dont deux identifiés. Et je ne m’occupe que des civils, je ne m’occupe pas des combattants. Mais le rapport des civils et des combattants tués est environs 5 pour 1 respectivement.

— Vous n’avez pas peur de venir dans ces endroits?
— Je me suis déjà enterré. Trois fois. Maintenant je n’ai plus peur.

À la vue d’un UAZ « corbillard », des gars apparaissent– tout le monde dans la cité connait ces « messagers de la mort ». Les gars sont prêts, les pelles sont accrochées au cadre de leur vélo. Un des voisins propose de faire venir une pelleteuse au cimetière, mais le chef de l’équipe des volontaires n’approuve pas:

— Les gars, il faut enterrer rapidement, il fait très chaud! J’ai encore des oubliés dans la ville, l’administration de la ville m’a appelé. Allez, appelez tout le monde qui peut creuser!



Cercueil pour Vladimir Tchernikov
Photo: Alexandre KOTS, Dmitry STECHINE


Vladimir Tchernikov  (plus loin à droite de la voiture – sa femme couverte d’une couverture).
Photo: Alexandre KOTS, Dmitry STECHINE

L’armée ukrainienne semble avoir enfui ses dernières obligations morales.  En bombardant toutes les nuits les habitants civils, probablement, ils essayent de les monter contre les combattants. Cependant, l’effet obtenu est diamétralement opposé. De jour en jour le mécontentement des actions de l’armée ukrainienne se transforme en rage écumée et en haine qui justement alimentent tous les jours les rangs des forces d’autodéfense de Slaviansk.

Des habitants sont nombreux parmi les combattants et l’armée ukrainienne leur démontre tous les jours pourquoi ils se battent.


 
La vidéo dont les dialogues sont traduits dans le texte ci-dessus

Source : kp.ru
Traduction : GalCha

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