mardi 5 août 2014

Analyse - le défi intérieur de Poutine

Le combat principal de Vladimir Poutine est avec l’ennemi intérieur et non pas avec celui de l’extérieur

30.07.2014


L’introduction d'une nouvelle étape de sanctions économiques contre la Russie a été officiellement annoncée. Bien que la rupture entre la Russie et l'Occident après la Crimée ait été prédéterminée, cependant il n’était pas encore clair si la guerre politique et économique commençait seulement avec les États-Unis, ou avec l'ensemble du bloc occidental, et à quelle vitesse s’avancerait la détérioration des relations, et d'autres détails non sans importance, mais pas réellement cruciaux.

Pour cette raison, une partie de l'élite politique et des affaires russes avait espoir que le retournement de la Russie vers le développement autonome aurait pu encore, sinon être évité, alors, au moins le faire plus mesuré et donc réversible. Ils ont inventé, eux-mêmes, l'idée que Poutine veut simplement « verrouiller des profits avec la Crimée », « élever le statut de la Russie » ce qui signifie qu'il y a une chance que l’Occident s’engagerait et menacerait un peu, et puis accepterait le fait qu'il n'y ait plus de retour en arrière. Eh bien, Poutine, alors, renoncerait à la Novorossia en adoptant des méthodes économiques de combat pour l'Ukraine. Et dans son ensemble, tôt ou tard, tout se décanterait, il serait possible, comme avant, de faire partie de « l'élite mondiale », de sa composante politique ou d’affaires. Mais maintenant, ils n’ont plus ces espoirs (creux dès le départ).

De même, il ne fait aucun doute que l'un des principaux objectifs des États-Unis est le changement de pouvoir en Russie c’est précisément pour cela qu’ils ont besoin de sanctions, de l'isolement et du blocus. Cela n’a aucune importance pour les États-Unis sous quelle forme se produira le changement de pouvoir si Poutine partira à la suite d’un complot des élites ou de soulèvements populaires causés par la baisse du niveau de vie et inspirés par la partie libérale de l'élite. Il doit partir, car son cap présente une menace à l'hégémonie américaine. Pour Poutine, une telle attitude n'est pas nouvelle depuis bien longtemps il construit sa politique non pas à partir de l'attitude américaine à son égard, mais simplement en en tenant compte. De même, il comprend tous les problèmes internes du pays, ceux que les Anglo-Saxons frapperont. Et l’essentiel d'entre eux est une élite faible, corrompue, consommatrice et idéologiquement hétéroclite dont l’émeute sera provoquée par les Américains, en intensifiant la pression et les sanctions contre la Russie.

Les États-Unis, en effet, sont persuadés que puisque les enfants et l'argent de beaucoup de nos « élitistes » sont à l'Occident, alors il sera plus facile à exercer la pression sur eux. Cependant, en 2011-2012, ils se sont déjà trompés dans les calculs en misant sur ce fait. La tentative d'arrêter Poutine a échoué et il a procédé au nettoyage de l'élite cosmopolite qui incitait à la rébellion contre lui, en considérant, et à juste titre, qu’elle accomplissait un ordre extérieur. Son principal objectif était, justement, de protéger le pays de la cinquième colonne, de ceux qui donneront un coup de poignard dans le prochain affrontement direct avec les États-Unis. Il a réussi à faire beaucoup mais, de loin, pas tout.

La nationalisation de l'élite venait de commencer l'interdiction des comptes à l'étranger n’est pas du tout équivalant à l’interdiction du séjour de cerveaux loin de notre patrie. Poutine a à peine eu le temps de faire sa déclaration sur la nécessité de transformer l'idéologie patriotique, la culture, l'éducation, sur la nécessité d’une nouvelle politique humaine... Mais même si Poutine avait réussi à se débarrasser complètement de cette cinquième colonne non dissimilée, de la corruption, il n’aurait pas résolu le problème principal : dans notre élite le pourcentage d'esclaves idéologiques à l’Occident est extrêmement important, les cosmopolites mentaux qui, rien qu’à la pensée d'une possible rupture avec l'Occident tombent dans un état de stupeur. Comment cela n’est-ce pas que nous sommes « une partie d'une grande maison européenne » ?

En réalité, l’occidentophilisme d’une grande partie de l'élite n’est qu’une manifestation de son ignorance fantastique de son propre pays et du peuple, de nos traditions, notre culture et notre Histoire. C’est un occidentophilisme d’élite coloniale son cerveau est occupé par des théories occidentales « à la mode » au sujet de « l’ordre mondial correct », comme cela s'est produit à plusieurs reprises dans l'histoire russe, elle considère le peuple comme des ploucs, et le pays comme un territoire de chasse. Une fois au pouvoir dans le pays dans les années 90, ces favoris ont immédiatement commencé à se préparer une échappatoire à l'Occident car « votre cœur est là où est votre trésor ». L’élite adorait le veau d'or et la consommation, et le lieu de résidence du veau d’or est à l’Occident, alors, les « réformateurs » gouvernant le pays à cette époque s’y sont précipités.

D'abord, ils ont essayé d’entraîner avec eux le pays afin de lui enseigner les « valeurs européennes », mais au début des années 2000, il est devenu clair que la Russie ne veut pas devenir une partie du monde occidental. Ensuite, l'élite a décidé de « gagner en Russie et dépenser en Europe » et c’est ce qu’ils ont fait pendant toutes les années 2000. Cependant, en parallèle, une nouvelle classe militaire se formait en une élite poutinienne. L'ossature de la classe dirigeante, contrôlant les leviers-clés de la gouvernance, ces gens d’une manière générale, provenant des services secrets, ont un état d’esprit patriotique, pour la plupart d’entre eux, et veulent vraiment servir la Patrie. Mais même parmi eux beaucoup n'ont pas pu résister à la tentation du capitalisme mondial de consommation, en oubliant qu’on ne peut pas servir deux maîtres.

Une autre partie du cercle intime de Poutine proposait instamment, mais pas publiquement, de chercher un nouveau modèle économique et social pour la Russie, se rendant compte que le modèle actuel mixte oligarco-étatique, capitaliste, liée au monde financier occidental et, surtout, à l’éthique occidentale du marché libre et à la société de consommation, n'est pas viable et tout simplement néfaste pour la Russie.

Malheureusement, les débats idéologiques sur le choix la direction du chemin pour la Russie n’ont pas été publics. En grande partie dû au fait que la partie libérale de l'élite, qui occupait les sièges à la fois d’experts et de propagande idéologique, discréditait par tous les moyens tout débat quant à savoir si le système économique correspond à des valeurs nationales, en déclarant d’avance tout modèle socio-économique alternatif comme impossible et utopique. En conséquence, la Russie suivait la voie de la mondialisation sans trop s’opposer, en se désarmant complètement idéologiquement et en résistant fermement politiquement.

L'indépendance aussi bien dans la politique intérieure que dans la géopolitique était nécessaire à Vladimir Poutine afin de renforcer la souveraineté de la Russie et d'augmenter sa force. Pendant toutes ces années, il se trouvait entre la pression de forces extérieures cherchant non seulement à empêcher le rétablissement de l'influence russe, mais aussi à organiser la deuxième série de démembrement de la Russie, et les forces intérieures ne voulant pas renoncer aux pouvoirs et biens usurpés dans les années 90, n’étant pas intéressés d’avoir un président fort et indépendant. Au tournant de la décennie, cette pression semblait avoir atteint son point culminant et, alors, Poutine a relevé le défi en revenant dans le fauteuil présidentiel.

Tout ce qu'il a fait à partir de 2011 était une préparation à un conflit ouvert aussi bien avec les adversaires à l’extérieur qu’à l’intérieur. Et le fait qu'il avait assez facilement réussi de gagner au premier round des années 2011-2012, ne voulait absolument pas dire qu'il était prêt à continuer à se reposer sur ses lauriers la bataille décisive s’approchait. Et elle s’est déclenchée en été 2013 par l’affaire de Snowden, atteignant maintenant, à la veille du mois d’août 2014, son intensité maximale.

Pour l’instant, Poutine combat l’ennemi extérieur cependant, il ne fait aucun doute que la principale bataille qu'il aura à gagner est à l’intérieur du pays. La bataille avec les États-Unis n’annule pas la nécessité de résoudre la question fondamentale de la genèse russe on attend de Poutine, jouissant actuellement d'un soutien populaire phénoménal, non seulement des victoires sur le front extérieur, mais aussi d’un revirement sur le front intérieur. Même s'il n'y avait pas de conflits avec l'Occident, la nécessité de changements internes fondamentaux resterait vitale. Maintenant, après le début de la confrontation directe, le nettoyage et l’idéologisation de l’élite deviennent un gage pour sauver la Russie. Non pas parce que l'élite fera un coup dans le dosdans un avenir proche prévisible, Dieu merci, cela ne sera pas d’actualité —, mais parce qu'elle ne pourra tout simplement pas résoudre les défis auxquels le pays fait face. Formuler et mettre en œuvre un programme de développement national économique, culturel, social mener un jeu global sur tous les continents et dans tous les domaines ne peut être le fait que d’une équipe animée du même esprit. Pas des gens raisonnant de la même façon, mais des patriotes ayant une connaissance parfaite non seulement de l'expérience et de l'Histoire russes, mais aussi des technologies et des raisons d’autres puissances et civilisations, comprenant leurs objectifs et la philosophie du combat.

Et le plus important, sans feinte, mais considérant sincèrement les valeurs traditionnelles russes (pas seulement spirituelles, familiales, mais aussi géopolitiques) comme leurs propres, et mettant les intérêts de la Patrie, sans aucun doute, par-dessus les intérêts personnels. Ces gens n’existent pas ? Cependant, il y en a suffisamment dans l’élite actuelle — tout simplement maintenant non seulement les gens doivent se rallier autour de Poutine, mais aussi l’échelon central doit travailler pas pour la peur, mais pour pleine conscience.

Il est impossible de résister à la pression de l'Occident et devant les épreuves internes inévitables, juste parce que tu as peur de Poutine et que tu crains de perdre ta place. Et il est encore plus impossible d'introduire un nouveau modèle de gouvernance et d'organisation sociale, si tu n’y crois pas toi-même. Il est impossible de travailler de la nouvelle manière (pas dans les conditions d’une forteresse assiégée, mais en créant de nouvelles productions et en redonnant un sens à la genèse russe), si tu t’es habitué à des commissions occultes et que tu espères que tu pourras les dépenser même si ce n’est pas à l'étranger, en Russie.

Est-ce que Poutine a une alternative ? Peut-il ne pas approfondir le nettoyage de l’élite en se justifiant par le fait que ce n'est pas le moment maintenant, parce que « la Patrie est en danger », mais aussi que la menace d'un « coup de poignard dans le dos » n’est plus tellement grande ? Non — parce que son but principal n’est nullement de résister à la pression des mondialistes, mais d'amener la Russie sur sa voie historique. De rendre la confiance dans ses capacités et de créer le maximum d'opportunités pour la croissance et le développement autarciques, en jetant les bases de l'ordre social, fondé sur des valeurs nationales et acceptables pour notre peuple. Pour de grands objectifs, on a besoin de grands hommes sinon on se fera tout simplement écraser. Si ce n’est pas par des manigances extérieures alors par des contradictions intérieures.

Traduction : GalCha

2 commentaires:

  1. Pour la traduction: "autocratique" doit être "autarchique".

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    1. Merci de votre contribution, la remarque est juste. Cependant nous préférerons le terme "autarcique" pour remplacer "autocratique indépendant"

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