Gambit : à qui profite l’assassinat de Nemtsov ?
28.02.2015
Nous vous proposons une analyse de la situation faite
par l’un des auteurs de "Rousskaya
Vesna" à propos de l’assassinat
du chef de l’opposition Boris Nemtsov.
L’assassinat
de Nemtsov dans la nuit du 28 février s’est avéré totalement inattendu et
absolument prévisionnel.
Je ne veux pas porter des
accusations mal fondées à quiconque, je voudrais simplement procéder à une
analyse impartiale afin de déterminer : mais à
qui profite-t-il ? Parce que des soupçons à ce sujet, je les
ai eus dès les premières secondes après la lecture de la nouvelle.
La première chose qui vient à l’esprit
– c’est, donc, une parfaite innocuité de Nemtsov pour les autorités. Discrédité
par ses liens avec l’Occident, ayant perdu son influence et ses adeptes – il n’était
pas une figure dont la liquidation physique serait justifiée.
La main sur la conscience, dans l’opposition
russe – à la fois systémique et non-systémique, il n’y a pas de leaders dont
l’envergure exigerait du Kremlin des mesures tellement dangereuses,
controversées et inhumaines.
Mais, d’autre part, la soi-disant "opposition non-systémique" avait
besoin, comme une bouffée d’air frais, d’une secousse qui pourrait y insuffler
une nouvelle vie et rétablir son unité ébranlée.
C’est à ce moment-là que survient l’assassinat
de l’une de ses figures de premier plan, cependant déjà assez nominale. Et même,
si la mort de Nemtsov a causé quelques dégâts à ses compagnons d’armes, son
bénéfice potentiel peut être beaucoup plus important.
Ce qui est intéressant – c’est que l’assassinat
se passe juste avant une action des "opposants"
prévue le 1er mars et qu’il était très peu probable qu’elle puisse
atteindre même la moitié de l’envergure annoncée, compte tenu de la situation
dans leur camp, et même selon les estimations les plus optimistes. En revanche
maintenant, elle a reçu un nouveau contenu vif et totalement inattendu.
En outre, le moment de l’assassinat,
par une étrange coïncidence, convient idéalement précisément pour la tâche de
la promotion de l’évènement du 1er mars. D’une part, les organisateurs
auront toute la journée pour recueillir de nouvelles forces, encore plus d’importantes,
manifestant sous les slogans associés à "une victime innocente de la lutte pour la liberté".
D’autre part, il se passerait très
peu de temps – clairement insuffisant, pour que l’enquête puisse rendre
publiques des informations, au moins préliminaires, permettant faire des
conclusions plus ou moins fiables.
Dans cette situation, les activités
les plus attendues de nos opposants seraient une intox rapide, mais vague, sous
une forme ou une autre, à propos d’une « prétendue implication possible des gens de Poutine dans l’assassinat ».
Peut-être que cela ne se fera pas à travers les premières personnes de "l’opposition" – pour ne pas dénuder
leurs intentions de façon trop criante.
Par exemple, les articles qui
soulignent les « soupçons de Nemtsov
sur les intentions de Poutine de l’éliminer » sont apparus sur le
réseau quasi immédiatement après l’assassinat. Une chose est claire – cette
idée est déjà amorcée dans le milieu de ceux qui soutiennent les vues de "l’opposition", et, seulement grâce
à elle, le nombre de personnes prêtes à se rendre à la marche de "l’opposition" a certainement
augmenté de manière très significative.
Seulement, il est peu probable que
les organisateurs de toute cette combinaison soient mus par un objectif banal d’assurer
un quorum de cent mille personnes pour le prochain défilé. Une victime sacrificielle
permettra d’assurer un effet d’échelle aux actions de l’opposition, et présentera
une occasion de maintenir l’excitation pendant une semaine ou deux. Cependant,
ce n’est pas suffisant pour atteindre le résultat final.
Ici, peuvent se jouer deux scénarios
possibles impliquant une croissance rapide de la tension, déjà dans les
prochains jours, en raison des affrontements, des combats, et, peut-être, de
nouvelles provocations sanglantes au cours des manifestations, ou l’utilisation
de la mort de Nemtsov comme prétexte pour l’organisation d’un "Maïdan de justice", qui se rassemblera
non pas pour exiger la démission du gouvernement russe ou des réformes, mais
pour exiger une "enquête équitable de
l’assassinat".
Dans ce cas, il est clair qu’il est
peu probable que les autorités russes soient en mesure de présenter aux
participants d’un tel "Maïdan"
les matériaux d’enquête qui répondent à leurs attentes.
Juste parce que le seul et principal
désir, ici, sera d’entendre la reconnaissance de la piste de "la main sanglante du FSB", et même du
Président en personne. Il y aura très peu de gens qui puissent se soucier des
données objectives, quoi qu’elles disent.
De toute façon, ces deux options
devraient conduire au scénario ukrainien lorsqu’une action ou inaction des
autorités va resserrer autour de son cou le nœud d’anguille du "Maïdan".
Dans une situation où le rôle d’opposition
est joué par des masses extrêmement engagées et biaisées avec les dirigeants du
mouvement d’opposition ayant les mains crochues, le gouvernement sera dans une
position très délicate, et, sans doute, le seul remède à la situation serait d’écraser
toute manifestation des "Maïdans"
dans l’œuf, sans se retourner sur les menaces et les lamentations de l’étranger.
Une chose est claire – nos amis d’outre-mer,
avec la mort Nemtsov (quelles que soient les véritables causes qui l’ont
provoquée), commencent à jouer un gambit d’envergure, au cours duquel seront
échangées encore beaucoup de pièces.
Et ces échanges seront organisés avec
la dureté maximale des deux côtés, et puisque nous voulons croire que le
gouvernement russe a compris, à travers l’expérience amère de la Libye, de la
Syrie, de l’Egypte, de l’Ukraine et des autres "démocraties prospérant selon le scénario américain", l’absence
de toute alternative aux actions inflexibles.
Dans de telles circonstances, il
serait souhaitable que la partie du peuple russe, qui, avec la mort de Nemtsov,
a finalement cru en la nécessité de soutenir les actions de "l’opposition", prenne une décision sage,
et les soutienne sans sortir de chez eux. Qu’ils écrivent des centaines de
tweets sur PdEV (Parti des escrocs et des voleurs), qu’ils inventent des chants
sur Poutine, et les plus doués – qu’ils préparent même une analyse détaillée,
prouvant l’implication des autorités russes dans l’assassinat de Nemtsov.
Maintenant, le plus important est
que les gens ne sortent pas dans les rues sous la houlette des "opposants" connus – où le triste
sort des moutons sacrificiels leur est réservé sur la vague d’une autre "révolution de la dignité".
Source : rusvesna.su/news : Гамбит: Убийство Немцова — кому это выгодно?
Traduction : GalCha
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