Un article de "La
Voix de la Russie"
Nouvel ordre mondial : De nouvelles règles ou un jeu sans règles ?
27 octobre 2014
© Photo : RIA Novosti/Michael Klimentev |
Discours de Vladimir Poutine au Club Valdaï (traduction intégrale)
Vladimir Poutine a pris part à la dernière séance plénière de la XIe session du Club International de Discussion Valdaï.
Le thème de la réunion était : « L’ordre mondial : de nouvelles règles ou un jeu sans règles ? »
Cette année, 108 experts, historiens et analystes politiques originaires de 25 pays, dont 62 participants étrangers, ont pris part aux travaux du Club.
La réunion plénière a présenté une synthèse des travaux du Club au cours des trois journées précédentes, qui ont été consacrées à l’analyse des facteurs d’érosion du système actuel des institutions et des normes du droit international.
Discours du Président Vladimir Poutine durant la dernière séance plénière de la XIe session du Club Valdaï
Retranscription :
Chers
collègues, Mesdames et Messieurs, chers amis,
C’est
un plaisir de vous accueillir à la XIe réunion du Club Valdaï.
Il
a déjà été mentionné que le Club a de nouveaux co-organisateurs cette année.
Ils comprennent des organisations non gouvernementales russes, des groupes
d’experts et de grandes universités. Il a également été suggéré d’élargir les
discussions à des questions qui ne sont pas seulement liées à la Russie
elle-même, mais aussi à la politique et à l’économie mondiales.
J’espère
que ces changements dans l’organisation et le contenu des sessions renforceront
l’influence du Club en tant que forum de discussion et d’experts de premier
plan. Dans le même temps, j’espère que "l’esprit de Valdaï" sera
conservé – cette atmosphère libre et ouverte, cette opportunité d’exprimer
toutes sortes d’opinions très différentes et franches.
Permettez-moi
de dire à cet égard que je ne vais pas vous décevoir et que je vais parler
directement et franchement. Certains de mes propos pourront sembler un peu trop
rudes, mais, si nous ne parlons pas directement et honnêtement de ce que nous
pensons vraiment, alors il est absolument inutile de tenir de telles réunions.
Il serait préférable, dans ce cas, de se contenter des rencontres
diplomatiques, où personne ne dit rien qui ait une véritable portée et,
reprenant les paroles d’un célèbre diplomate, où vous vous rendez compte que
les diplomates ont une langue faite pour ne pas dire la vérité.
Nous
nous réunissons pour d’autres raisons. Nous nous réunissons pour nous parler
franchement. Nous avons besoin d’être directs et francs aujourd’hui, non pas
pour nous envoyer des piques, mais afin de tenter de faire la lumière sur ce
qui se passe dans le monde, d’essayer de comprendre pourquoi le monde est de
moins en moins sûr et de plus en plus imprévisible, et pourquoi les risques
augmentent partout autour de nous.
Les
débats d’aujourd’hui se sont tenus sous le thème : De nouvelles règles ou
un jeu sans règles ? Je pense que cette formule décrit avec précision le
tournant historique que nous avons atteint aujourd’hui et le choix auquel nous
sommes tous confrontés. Bien sûr, il n’y a rien de nouveau dans l’idée que le
monde est en train de changer très rapidement. Je sais que c’est quelque chose
dont vous avez parlé durant les échanges d’aujourd’hui. Il est certainement
difficile de ne pas remarquer les transformations dramatiques dans la politique
mondiale et dans l’économie, dans la vie publique, dans l’industrie,
l’information et les technologies sociales.
Permettez-moi
de vous demander dès maintenant de me pardonner si j’en viens à répéter ce que
certains des participants à la discussion ont déjà dit. C’est pratiquement inévitable.
Vous avez déjà eu des discussions détaillées, mais je vais exposer mon point de
vue. Il coïncidera avec le point de vue des participants sur certains points et
divergera sur d’autres.
Tandis
que nous analysons la situation d’aujourd’hui, n’oublions pas les leçons de
l’histoire. Tout d’abord, les changements dans l’ordre mondial – et tout ce que
nous voyons aujourd’hui constitue des événements de cette ampleur – ont
généralement été accompagnés sinon par une guerre et des conflits à l’échelle
mondiale, du moins par des chaînes de conflits locaux intenses. Deuxièmement,
la politique mondiale est avant tout une question de leadership économique, de
guerre et de paix, avec une dimension humanitaire, incluant les droits de
l’homme.
Aujourd’hui,
le monde est plein de contradictions. Nous devons être francs en nous demandant
mutuellement si nous avons un filet de sécurité fiable et bien en place.
Malheureusement, il n’y a aucune garantie et aucune certitude que le système
actuel de sécurité mondiale et régionale soit en mesure de nous protéger des
bouleversements. Ce système a été sérieusement affaibli, fragmenté et déformé.
Les organisations internationales et régionales de coopération politique,
économique, et culturelle traversent également des temps difficiles.
Oui,
un grand nombre des mécanismes actuels visant à assurer l’ordre mondial ont été
créés il y a très longtemps, y compris et surtout dans la période suivant
immédiatement la Seconde Guerre mondiale. Permettez-moi de souligner que la
solidité du système créé à l’époque reposait non seulement sur l’équilibre des
forces et les droits des pays vainqueurs, mais aussi sur le fait que les "pères
fondateurs" de ce système se respectaient mutuellement, n’essayaient pas
de mettre la pression sur les autres, mais tentaient de parvenir à des accords.
L’essentiel
est que ce système doit se développer, et, malgré ses diverses lacunes, il doit
au moins être capable de maintenir les problèmes mondiaux actuels dans
certaines limites et de réguler l’intensité de la concurrence naturelle entre
les nations.
Je
suis convaincu que nous ne pouvions pas prendre ce mécanisme de freins et
contrepoids que nous avons construit au cours des dernières décennies, parfois
avec les plus grands efforts et difficultés, et tout simplement le détruire
sans rien reconstruire à sa place. Sinon, nous serions laissés sans instruments
autres que la force brute.
Ce
que nous devions faire était de procéder à une reconstruction rationnelle et de
l’adapter aux nouvelles réalités du système des relations internationales.
Mais
les États-Unis, s’étant eux-mêmes déclarés vainqueurs de la Guerre Froide, n’en
voyaient pas le besoin. Au lieu d’établir un nouvel équilibre des forces,
essentiel pour maintenir l’ordre et la stabilité, ils ont pris des mesures qui
ont jeté le système dans un déséquilibre marqué et profond.
La
Guerre Froide a pris fin, mais elle n’a pas pris fin avec la signature d’un
traité de paix comprenant des accords clairs et transparents sur le respect des
règles existantes ou la création d’un nouvel ensemble de règles et de normes.
Cela a créé l’impression que les soi-disant "vainqueurs" de la Guerre
Froide avaient décidé de forcer les événements et de remodeler le monde afin de
satisfaire leurs propres besoins et intérêts. Lorsque le système actuel des
relations internationales, le droit international et les freins et contrepoids
en place faisaient obstacle à ces objectifs, ce système été déclaré sans
valeur, obsolète et nécessitant une démolition immédiate.
Pardonnez
l’analogie, mais c’est la façon dont les nouveaux riches se comportent quand
ils se retrouvent tout à coup avec une grande fortune, dans ce cas sous la
forme d’un leadership et d’une domination mondiale. Au lieu de gérer leur
patrimoine intelligemment, pour leur propre bénéfice aussi bien sûr, je pense
qu’ils ont commis beaucoup de folies.
Nous
sommes entrés dans une période de différentes interprétations et de silences
délibérés dans la politique mondiale. Le droit international a maintes fois été
forcé de battre en retraite, encore et encore, par l’assaut impitoyable du
nihilisme légal. L’objectivité et la justice ont été sacrifiées sur l’autel de
l’opportunisme politique. Des interprétations arbitraires et des évaluations
biaisées ont remplacé les normes juridiques. Dans le même temps, l’emprise
complète sur les médias de masse mondiaux ont rendu possible, quand on le
désirait, de présenter le blanc comme noir et le noir comme blanc.
Dans
une situation où vous aviez la domination d’un pays et de ses alliés, ou plutôt
de ses satellites, la recherche de solutions globales s’est souvent transformée
en une tentative d’imposer ses propres recettes universelles. Les ambitions de
ce groupe sont devenues si grandes qu’ils ont commencé à présenter les
politiques qu’ils concoctaient dans leurs corridors du pouvoir comme le point
de vue de l’ensemble de la communauté internationale. Mais ce n’est pas le cas.
La
notion même de "souveraineté nationale" est devenue une valeur
relative pour la plupart des pays. En essence, ce qui était proposé était cette
formule : plus la loyauté de tel ou tel régime en place envers le seul
centre de pouvoir dans le monde est grande, plus grande sera sa légitimité.
Nous
aurons une discussion libre après mon propos et je serai heureux de répondre à
vos questions et je tiens également à utiliser mon droit à vous poser des
questions. Que personne n’hésite à essayer de réfuter les arguments que je
viens d’exposer lors de la discussion à venir.
Les
mesures prises contre ceux qui refusent de se soumettre sont bien connues et
ont été essayées et testées de nombreuses fois. Elles comprennent l’usage de la
force, la pression économique et la propagande, l’ingérence dans les affaires
intérieures, et les appels à une sorte de légitimité "supra-légale"
lorsqu’ils ont besoin de justifier une intervention illégale dans tel ou tel
conflit ou de renverser des régimes qui dérangent. Dernièrement, nous avons de
plus en plus de preuves que le chantage pur et simple a également été utilisé
en ce qui concerne un certain nombre de dirigeants. Ce n’est pas pour rien que "Big
Brother" dépense des milliards de dollars pour tenir sous surveillance le
monde entier, y compris ses propres alliés les plus proches.
Demandons-nous
à quel point nous sommes à l’aise avec tout cela, à quel point nous sommes en
sécurité, combien nous sommes heureux de vivre dans ce monde, à quel degré de
justice et de rationalité il est parvenu. Peut-être n’avons-nous pas de
véritables raisons de nous inquiéter, de discuter et de poser des questions
embarrassantes ? Peut-être que la position exceptionnelle des États-Unis
et la façon dont ils mènent leur leadership est vraiment une bénédiction pour
nous tous, et que leur ingérence dans les événements du monde entier apporte la
paix, la prospérité, le progrès, la croissance et la démocratie, et nous
devrions peut-être seulement nous détendre et profiter de tout cela ?
Permettez-moi
de dire que ce n’est pas le cas, absolument pas le cas.
Un
diktat unilatéral et le fait d’imposer ses propres modèles aux autres produisent
le résultat inverse. Au lieu de régler les conflits, cela conduit à leur
escalade ; à la place d’États souverains et stables, nous voyons la
propagation croissante du chaos ; et à la place de la démocratie, il y a
un soutien pour un public très douteux allant de néo-fascistes avoués à des
islamistes radicaux.
Pourquoi
soutiennent-ils de tels individus ? Ils le font parce qu’ils décident de
les utiliser comme instruments dans la voie de la réalisation de leurs
objectifs, mais, ensuite, ils se brûlent les doigts et font marche arrière. Je
ne cesse jamais d’être étonné par la façon dont nos partenaires ne cessent de
marcher sur le même râteau, comme on dit ici en Russie, c’est-à-dire de faire
les mêmes erreurs encore et encore.
Ils
ont jadis parrainé des mouvements islamistes extrémistes pour combattre l’Union
soviétique. Ces groupes se sont formés au combat et aguerris en Afghanistan, et
ont plus tard donné naissance aux Talibans et à Al-Qaïda. L’Occident les a
sinon soutenus, du moins a fermé les yeux sur cela, et, je dirais, a fourni des
informations et un soutien politique et financier à l’invasion de la Russie et
des pays de la région d’Asie centrale par les terroristes internationaux (nous
ne l’avons pas oublié). C’est seulement après que des attaques terroristes
horribles aient été commises sur le sol américain lui-même que les États-Unis
ont pris conscience de la menace collective du terrorisme. Permettez-moi de
vous rappeler que nous avons été le premier pays à soutenir le peuple américain
à l’époque, le premier à réagir comme des amis et partenaires après la terrible
tragédie du 11 septembre.
Au
cours de mes conversations avec les dirigeants américains et européens, je
parlais toujours de la nécessité de lutter ensemble contre le terrorisme, de le
considérer comme un défi à l’échelle mondiale. Nous ne pouvons pas nous
résigner et accepter cette menace, nous ne pouvons pas la couper en morceaux
séparés à l’aide du deux poids deux mesures. Nos partenaires ont exprimé leur
accord, mais après quelque temps, nous nous sommes retrouvés au point de
départ. Ce fut d’abord l’opération militaire en Irak, puis en Libye, qui a été
poussée au bord du gouffre. Pourquoi la Libye a-t-elle été réduite à cette
situation ? Aujourd’hui, c’est un pays en danger de démantèlement et qui
est devenu un terrain d’entraînement pour les terroristes.
Seules
la détermination et la sagesse de la direction égyptienne actuelle ont sauvé ce
pays arabe clé du chaos et de l’emprise des terroristes. En Syrie, comme par le
passé, les États-Unis et leurs alliés ont commencé à financer et armer
directement les rebelles et leur ont permis de remplir leurs rangs de
mercenaires provenant de divers pays. Permettez-moi de vous demander où ces
rebelles obtiennent leur argent, leurs armes et leurs spécialistes militaires ?
D’où tout cela vient-il ? Comment l’État Islamique notoire a-t-il réussi à
devenir un groupe aussi puissant, de fait une véritable force armée ?
Quant
aux sources de financement, aujourd’hui, l’argent ne vient plus seulement de la
drogue, dont la production a augmenté non pas de quelques points de pourcentage,
mais dans des proportions considérables depuis que les forces de la coalition
internationale sont intervenues en Afghanistan. Vous êtes au courant de cela.
Les terroristes obtiennent également de l’argent en vendant du pétrole. Le
pétrole est produit dans le territoire contrôlé par les terroristes, qui le
vendent à des prix de dumping, le produisent et le transportent. Mais d’autres
achètent ce pétrole, le revendent, et font du profit, sans penser au fait
qu’ils financent ainsi les terroristes qui pourraient venir tôt ou tard sur
leur propre sol et semer la destruction dans leur propre pays.
Où
trouvent-ils les nouvelles recrues ? En Irak, après que Saddam Hussein ait
été renversé, les institutions de l’État, y compris l’armée, ont été laissées
en ruines. Nous avons dit, à l’époque, soyez très, très prudents. Vous mettez
les gens à la rue, et que vont-ils y faire ? N’oubliez pas que
légitimement ou non, ils faisaient partie de la direction d’une grande
puissance régionale, et en quoi est-ce que vous les transformez maintenant ?
Quel
fut le résultat ? Des dizaines de milliers de soldats, d’officiers et
d’anciens militants du parti Baas se sont retrouvés à la rue et ont aujourd’hui
rejoint les rangs des rebelles. Peut-être cela explique-t-il pourquoi l’État
islamique s’est avéré si efficace. En termes militaires, il agit très
efficacement et il a certains cadres très compétents. La Russie a mis en garde
à plusieurs reprises sur les dangers des actions militaires unilatérales, des
interventions dans les affaires des États souverains, et des flirts avec les
extrémistes et les radicaux. Nous avons insisté pour que les groupes luttant
contre le gouvernement syrien central, surtout l’État islamique, soient
inscrits sur les listes des organisations terroristes. Mais avons-nous vu le
moindre résultat ? Nous avons lancé des appels en vain.
Nous
avons parfois l’impression que nos collègues et amis sont constamment aux
prises avec les conséquences de leurs propres politiques, et qu’ils dépensent
tous leurs efforts dans le traitement des risques qu’ils ont eux-mêmes créés,
en payant un prix de plus en plus élevé.
Chers
collègues,
Cette
période de domination unipolaire a démontré de manière convaincante que le fait
d’avoir un seul centre de pouvoir ne rend pas les processus mondiaux plus
faciles à gérer. Au contraire, ce type de construction instable a montré son
incapacité à lutter contre les menaces réelles telles que les conflits
régionaux, le terrorisme, le trafic de drogue, le fanatisme religieux, le
chauvinisme et le néo-nazisme. Dans le même temps, il a ouvert une large voie
aux fiertés nationales exacerbées, à la manipulation de l’opinion publique et à
la brutalisation et à l’oppression des faibles par les forts.
Essentiellement,
le monde unipolaire est tout simplement un moyen de justifier la dictature sur
les individus et les nations. Le monde unipolaire s’est avéré un fardeau trop
rude, trop lourd et trop ingérable même pour son chef autoproclamé. Des
commentaires ont été faits dans ce sens juste avant mon intervention, et je
suis entièrement d’accord avec eux. Voilà pourquoi nous voyons, en cette
nouvelle étape de l’histoire, des tentatives de recréer un semblant de monde
quasi bipolaire en tant que modèle commode pour perpétuer le leadership
américain. Peu importe qui prend la place du centre du mal dans la propagande
américaine, peu importe qui remplace l’ex-URSS en tant que principal
adversaire. Cela pourrait être l’Iran, en tant que pays qui cherche à acquérir
la technologie nucléaire, la Chine, en tant que plus grande économie mondiale,
ou la Russie, en tant que superpuissance nucléaire.
Aujourd’hui,
nous assistons à de nouveaux efforts pour fragmenter le monde, dessiner de
nouvelles lignes de clivage, réunir des coalitions qui ne sont pas façonnées
pour quelque chose, mais dirigées contre quelqu’un, qui que ce soit, pour créer
l’image d’un ennemi comme ce fut le cas pendant les années de Guerre Froide, et
s’emparer du droit à ce leadership, ou diktat si vous préférez. La situation
était présentée de cette façon au cours de la Guerre Froide. Nous savons tous
cela et nous le comprenons bien. Les États-Unis ont toujours dit à leurs alliés :
« Nous avons un ennemi commun, un ennemi terrible, le centre du mal, et
nous vous protégeons, vous nos alliés, de cet ennemi, et nous avons donc le
droit de vous donner des ordres, de vous forcer à sacrifier vos intérêts
politiques et économiques et à payer votre quote-part des coûts de cette
défense collective, mais nous serons les responsables de tout cela bien sûr. »
En bref, nous voyons aujourd’hui des tentatives, dans un monde nouveau et
changeant, de reproduire les modèles familiers de la gestion globale, et tout
cela de manière à garantir aux États-Unis leur situation exceptionnelle et à
récolter des dividendes politiques et économiques.
Mais
ces tentatives sont de plus en plus déconnectées de la réalité et sont en
contradiction avec la diversité du monde. Des mesures de ce genre créent
inévitablement des confrontations et provoquent des contre-mesures, et ont pour
résultat l’effet inverse de ce qui était souhaité. Nous voyons ce qui se passe
quand la politique commence imprudemment à s’ingérer dans l’économie et que la
logique des décisions rationnelles cède la place à la logique de confrontation,
qui ne fait que nuire aux propres positions et intérêts économiques des pays en
question, y compris les intérêts des entreprises nationales.
Les
projets économiques communs et les investissements mutuels rapprochent
objectivement les pays et contribuent à aplanir les problèmes actuels dans les
relations entre États. Mais aujourd’hui, la communauté mondiale des affaires
fait face à des pressions sans précédent de la part des gouvernements
occidentaux. De quelles affaires, de quelles opportunités économiques ou de
quel pragmatisme peut-on encore parler lorsque nous entendons des slogans tels
que « la patrie est en danger », « le monde libre est menacé »,
et « la démocratie est en péril » ? Et tout le monde doit alors
se mobiliser. Voilà à quoi ressemble une vraie politique de mobilisation.
Les
sanctions sapent déjà les fondements du commerce mondial, les règles de l’OMC
et le principe de l’inviolabilité de la propriété privée. Ils portent un coup
dangereux au modèle libéral de la mondialisation fondé sur les marchés, la
liberté et la concurrence, qui, permettez-moi de le souligner, est précisément
un modèle qui a avant tout bénéficié aux pays occidentaux. Et maintenant, ils
risquent de perdre la confiance en tant que gouvernants de la mondialisation.
Nous devons nous demander, pourquoi était-ce nécessaire ? Après tout, la
prospérité des États-Unis repose en grande partie sur la confiance des investisseurs
et des détenteurs étrangers de dollars et de valeurs mobilières étasuniennes.
Cette confiance est clairement mise à mal et des signes de désillusion quant
aux fruits de la mondialisation sont maintenant visibles dans de nombreux pays.
Le
précédent bien connu de Chypre et les sanctions pour des motifs politiques
n’ont fait que renforcer la tendance à chercher à renforcer la souveraineté
économique et financière et la volonté des pays ou de leurs groupes régionaux
de trouver des moyens de se protéger contre les risques de pressions
extérieures. Nous voyons déjà que de plus en plus de pays cherchent des moyens
de devenir moins dépendants du dollar et mettent en place des systèmes
financiers, de paiement et des monnaies de réserve alternatifs. Je pense que
nos amis américains sont tout simplement en train de scier la branche sur
laquelle ils sont assis. On ne peut pas mélanger la politique et l’économie,
mais c’est ce qui se passe maintenant. J’ai toujours pensé et je pense encore
aujourd’hui que les sanctions pour des motifs politiques sont une erreur qui
nuira à tous, mais je suis sûr que nous reviendrons sur ce point.
Nous
savons comment ces décisions ont été prises et qui exerçait les pressions. Mais
permettez-moi de souligner que la Russie ne va pas perdre son calme, s’offenser
ou venir mendier à la porte de quiconque. La Russie est un pays autosuffisant.
Nous allons travailler au sein de l’environnement économique international qui
a pris forme, développer la production et la technologie nationales et agir de
façon plus décisive pour mener à bien notre transformation. Les pressions de
l’extérieur, comme cela a été le cas à plusieurs reprises par le passé, ne
feront que consolider notre société, nous maintenir en éveil et nous amener à
nous concentrer sur nos principaux objectifs de développement.
Bien
sûr, les sanctions constituent un obstacle. Ils essaient de nous affaiblir par
ces sanctions, d’entraver notre développement et de nous pousser à l’isolement
politique, économique et culturel, en d’autres termes nous forcer à prendre du
retard. Mais permettez-moi de rappeler encore une fois que le monde est un
endroit très différent aujourd’hui. Nous n’avons pas l’intention de nous isoler
de quiconque ou de choisir une sorte de voie de développement fermée, en
essayant de vivre en autarcie. Nous sommes toujours ouverts au dialogue, y
compris au sujet de la normalisation de nos relations économiques et
politiques. Nous comptons ici sur l’approche et la position pragmatiques des
milieux d’affaires dans les principaux pays.
Certains
disent aujourd’hui que la Russie tournerait le dos à l’Europe – de tels propos
ont probablement été tenus ici aussi lors des discussions – et rechercherait de
nouveaux partenaires commerciaux, surtout en Asie. Permettez-moi de dire que ce
n’est absolument pas le cas. Notre politique active dans la région
Asie-Pacifique n’a pas commencé d’hier, et non en réponse aux sanctions, mais
c’est une politique que nous suivons depuis maintenant un bon nombre d’années.
Comme beaucoup d’autres pays, y compris les pays occidentaux, nous avons vu que
l’Asie joue un rôle de plus en plus important dans le monde, dans l’économie et
dans la politique, et nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre
d’ignorer ces développements.
Permettez-moi
de dire encore une fois que tout le monde agit ainsi, et nous allons le faire
nous aussi, d’autant plus qu’une grande partie de notre pays est
géographiquement en Asie. Au nom de quoi devrions-nous ne pas faire usage de
nos avantages concurrentiels dans ce domaine ? Ce serait faire preuve
d’une vue extrêmement courte que de ne pas le faire.
Le
développement des relations économiques avec ces pays et la réalisation de
projets d’intégration communs créent aussi de grandes incitations pour notre
développement national. Les tendances démographiques, économiques et
culturelles actuelles suggèrent que la dépendance à une seule superpuissance va
objectivement diminuer. C’est une chose que les experts européens et américains
ont également évoquée dans leurs réunions et travaux.
Peut-être
que l’évolution de la politique internationale sera le reflet de l’évolution
que nous constatons dans l’économie mondiale, à savoir la concurrence intensive
pour des niches spécifiques et des changements fréquents de dirigeants dans des
domaines précis. Ceci est tout à fait possible.
Il
ne fait aucun doute que des facteurs humanitaires tels que l’éducation, la
science, la santé et la culture jouent un rôle plus important dans la
concurrence mondiale. Cela a également un impact important sur les relations
internationales, y compris parce que cette ressource douce (soft power)
dépendra dans une large mesure des réalisations concrètes dans le développement
du capital humain plutôt que des trucages sophistiqués de la propagande.
Dans
le même temps, la formation d’un soi-disant monde polycentrique (je voudrais
également attirer l’attention sur cela, chers collègues), en soi et
d’elle-même, n’améliore pas la stabilité ; de fait, il est plus probable
que ce soit l’inverse. L’objectif d’atteindre l’équilibre mondial est en train
de devenir un casse-tête assez difficile, une équation à plusieurs inconnues.
Qu’est-ce
que l’avenir nous réserve donc, si nous choisissons de ne pas respecter les
règles – même si elles peuvent être strictes et peu pratiques –, mais plutôt de
vivre sans règles du tout ? Et ce scénario est tout à fait possible ;
nous ne pouvons pas l’exclure, compte tenu des tensions dans la situation
internationale. Beaucoup de prédictions peuvent déjà être faites, en tenant
compte des tendances actuelles, et, malheureusement, elles ne sont pas
optimistes. Si nous ne créons pas un système clair d’engagements et d’accords
mutuels, si nous ne construisons pas les mécanismes de gestion et de résolution
des situations de crise, les symptômes de l’anarchie mondiale vont
inévitablement s’accroître.
Aujourd’hui,
nous voyons déjà une forte augmentation de la probabilité de tout un ensemble
de conflits violents avec la participation directe ou indirecte des plus
grandes puissances mondiales. Et les facteurs de risque comprennent non
seulement les conflits multinationaux traditionnels, mais aussi l’instabilité
interne dans différents États, surtout quand on parle de nations situées aux
intersections des intérêts géopolitiques des grandes puissances, ou à la
frontière de continents civilisationnels, culturels, historiques et
économiques.
L’Ukraine,
qui j’en suis sûr a été longuement évoquée et dont nous parlerons encore, est
l’un des exemples de ces sortes de conflits qui affectent l’équilibre
international des puissances, et je pense que ce ne sera certainement pas le
dernier. De là émane la prochaine menace réelle de détruire le système actuel des
accords de contrôle des armements. Et ce processus dangereux a été initié par
les États-Unis d’Amérique quand ils se sont unilatéralement retirés du Traité
sur les missiles antibalistiques (ABM) en 2002, puis se sont lancés dans la
création de leur système global de défense antimissile et poursuivent
aujourd’hui activement ce processus.
Chers
collègues et amis,
Je
tiens à souligner que nous ne sommes pas à l’origine de tout cela. Une fois de
plus, nous glissons vers des temps où, au lieu de l’équilibre des intérêts et
des garanties mutuelles, ce sera la peur et l’équilibre de la destruction
mutuelle qui empêcheront les nations de se livrer à un conflit direct. En
l’absence d’instruments juridiques et politiques, les armes deviennent encore
une fois le point focal de l’ordre du jour mondial ; elles sont utilisées
n’importe où et n’importe comment, sans la moindre sanction du Conseil de
sécurité de l’ONU. Et si le Conseil de sécurité refuse de rendre de tels
arrêts, alors on le condamne immédiatement comme un instrument dépassé et
inefficace.
De
nombreux États ne voient pas d’autres moyens d’assurer leur souveraineté qu’en
obtenant leurs propres bombes. Cela est extrêmement dangereux. Nous insistons
sur la nécessité de poursuivre les négociations ; nous ne sommes pas
seulement en faveur de pourparlers, mais nous insistons sur la nécessité de
poursuivre les pourparlers de réduction des arsenaux nucléaires. Moins nous
aurons d’armes nucléaires dans le monde, mieux ce sera. Et nous sommes prêts à
mener les discussions les plus sérieuses et les plus concrètes sur le
désarmement nucléaire – mais seulement des discussions sérieuses sans aucun
deux poids, deux mesures.
Qu’est-ce
que je veux dire par là ? Aujourd’hui, de nombreux types d’armes de haute
précision sont déjà assimilables à des armes de destruction massive en termes
de capacité, et en cas de renonciation complète aux armes nucléaires ou de
réduction radicale du potentiel nucléaire, les nations qui sont des leaders
dans la création et la production de systèmes de haute précision auront un net
avantage militaire. La parité stratégique sera perturbée, ce qui est susceptible
d’entraîner de la déstabilisation. Le recours à une soi-disant première frappe
préventive globale peut devenir tentant. En bref, les risques ne diminuent pas,
mais s’intensifient.
La
prochaine menace évidente est l’escalade plus avant de conflits ethniques,
religieux et sociaux. De tels conflits sont dangereux non seulement en tant que
tels, mais aussi parce qu’ils créent des zones d’anarchie, d’absence totale de
lois et de chaos autour d’eux, des lieux qui sont commodes pour les terroristes
et les criminels, et où la piraterie, le trafic d’êtres humains et le trafic de
drogue sont florissants.
D’ailleurs,
nos collègues ont alors essayé de contrôler plus ou moins ces processus,
d’exploiter les conflits régionaux et de concevoir des "révolutions
colorées" en fonction de leurs intérêts, mais le génie s’est échappé de la
lampe. Il semble que les pères de la théorie du chaos contrôlé eux-mêmes ne
sachent plus quoi en faire ; il y a confusion dans leurs rangs.
Nous
suivons de près les discussions à la fois au sein de l’élite dirigeante et de
la communauté des experts. Il suffit de regarder les gros titres de la presse
occidentale de l’année dernière. Les mêmes personnes sont appelées des
combattants pour la démocratie, puis des islamistes ; d’abord, ils parlent
de révolutions puis ils parlent d’émeutes et de soulèvements. Le résultat est
évident : la propagation du chaos mondial.
Chers
collègues,
Compte
tenu de la situation mondiale, il est temps de commencer à se mettre d’accord
sur des choses fondamentales. Ceci est d’une importance et d’une nécessité
extrêmes ; cela vaudrait beaucoup mieux que de se retirer dans nos propres
retranchements. Plus nous faisons face à des problèmes communs, plus nous nous
trouvons dans le même bateau, pour ainsi dire. Et la manière sensée de trouver
une issue réside dans la coopération entre les nations, les sociétés, dans le
fait de trouver des réponses collectives aux défis croissants, et dans la
gestion commune des risques. Certes, certains de nos partenaires, pour des raisons
bien à eux, ne se remémorent cela que lorsque c’est dans leurs intérêts.
L’expérience
pratique montre que les réponses communes aux défis ne sont pas toujours une
panacée, et il faut que nous comprenions cela. En outre, dans la plupart des
cas, elles sont difficiles à atteindre : il n’est pas facile de surmonter
les différences dans les intérêts nationaux et la subjectivité de différentes
approches, en particulier lorsqu’il s’agit de pays ayant des traditions
culturelles et historiques différentes. Et, cependant, nous avons des exemples
où, ayant des objectifs communs et agissant sur la base des mêmes critères,
nous avons obtenu collectivement un réel succès.
Permettez-moi
de vous rappeler la résolution du problème des armes chimiques en Syrie, et le
dialogue de fond conséquent sur le programme nucléaire iranien, ainsi que notre
travail sur les questions nord-coréennes, qui ont aussi connu des résultats
positifs. Pourquoi ne pouvons-nous pas utiliser cette expérience à l’avenir
pour relever les défis locaux et mondiaux ?
Quelle
pourrait être la base juridique, politique, et économique pour un nouvel ordre
mondial qui permettrait la stabilité et la sécurité, tout en encourageant une
saine concurrence, et en ne permettant pas la formation de nouveaux monopoles
qui entravent le développement ? Il est peu probable que quiconque puisse
proposer dès à présent des solutions absolument exhaustives et prêtes à
l’emploi. Nous aurons besoin de beaucoup de travail et de la participation d’un
large éventail de gouvernements, d’entreprises mondiales, de la société civile,
et de plates-formes d’experts telles que celle-ci.
Cependant,
il est évident que les succès et les résultats réels ne sont possibles que si
les participants clés des affaires internationales peuvent se mettre d’accord
sur l’harmonisation des intérêts de base, sur le fait de s’imposer des limites
raisonnables, et de donner l’exemple d’un leadership positif et responsable.
Nous devons identifier clairement où se terminent les actions unilatérales et
nous avons besoin de mettre en œuvre des mécanismes multilatéraux. Et dans le
cadre de l’amélioration de l’efficacité du droit international, nous devons
résoudre le dilemme entre les actions de la communauté internationale visant à
assurer la sécurité et les droits de l’homme, et le principe de la souveraineté
nationale et de la non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État, quel
qu’il soit.
Ces
collisions mêmes conduisent de plus en plus à une interférence extérieure
arbitraire dans des processus internes complexes, et encore et encore, ils
provoquent des conflits dangereux entre les principaux acteurs mondiaux. La
question de la préservation de la souveraineté devient presque primordiale dans
le maintien et le renforcement de la stabilité mondiale.
De
toute évidence, discuter des critères de l’utilisation de la force extérieure
est extrêmement difficile. Il est pratiquement impossible de la séparer des
intérêts des nations particulières. Cependant, il est beaucoup plus dangereux
de rester dans une situation où il n’y a pas d’accords qui soient clairs pour
tout le monde, et où des conditions claires pour l’ingérence nécessaire et
légale ne sont pas fixées.
J’ajouterais
que les relations internationales doivent être basées sur le droit
international, qui lui-même doit reposer sur des principes moraux tels que la
justice, l’égalité et la vérité. Peut-être le plus important est-il le respect
de ses partenaires et de leurs intérêts. C’est une formule évidente, mais le
fait de la respecter, tout simplement, pourrait changer radicalement la
situation mondiale.
Je
suis certain qu’avec une volonté réelle, nous pouvons restaurer l’efficacité du
système international et des institutions régionales. Nous n’avons même pas
besoin de reconstruire quelque chose de nouveau, à partir de zéro ; ce
n’est pas une "terre vierge", d’autant plus que les institutions
créées après la Seconde Guerre mondiale sont relativement universelles et
peuvent être dotées d’un contenu moderne et adéquat pour gérer la situation
actuelle.
Cela
est vrai quant à l’amélioration du travail de l’ONU, dont le rôle central est
irremplaçable, ainsi que celui de l’OSCE, qui, durant 40 ans, a démontré
qu’elle était un mécanisme nécessaire pour assurer la sécurité et la
coopération dans la région euro-atlantique. Je dois dire que même aujourd’hui,
en essayant de résoudre la crise dans le sud-est de l’Ukraine, l’OSCE joue un
rôle très positif.
À
la lumière des changements fondamentaux dans l’environnement international,
l’augmentation des désordres incontrôlables et des diverses menaces, nous avons
besoin d’un nouveau consensus mondial des forces responsables. Il ne s’agit pas
de conclure certaines transactions locales ou un partage des zones d’influence
dans l’esprit de la diplomatie classique ni d’assurer la domination globale et
complète de quiconque. Je pense que nous avons besoin d’une nouvelle version de
l’interdépendance. Nous ne devrions pas avoir peur de cela. Au contraire, c’est
un bon instrument pour harmoniser les positions.
Ceci
est particulièrement pertinent étant donné le renforcement et la croissance de
certaines régions de la planète, processus qui nécessite objectivement
l’institutionnalisation de ces nouveaux pôles, par la création de puissantes
organisations régionales et l’élaboration de règles pour leur interaction. La
coopération entre ces centres contribuerait sérieusement à la stabilité de la
sécurité, de la politique et de l’économie mondiales. Mais afin d’établir un
tel dialogue, nous devons partir du postulat selon lequel tous les centres
régionaux et projets d’intégration qui se forment autour d’eux doivent avoir
les mêmes droits au développement, afin qu’ils puissent se compléter
mutuellement et que personne ne puisse artificiellement les forcer à entrer en
conflit ou en opposition. De telles actions destructrices briseraient les liens
entre les États, et les États eux-mêmes seraient soumis à des difficultés
extrêmes, voire même à une destruction totale.
Je
voudrais vous rappeler les événements de l’année dernière. Nous avions prévenu
nos partenaires américains et européens que les décisions hâtives prises en
coulisses, par exemple, sur l’association de l’Ukraine avec l’UE, étaient
emplies de risques graves pour l’économie. Nous n’avons pas même évoqué les
problèmes politiques ; nous n’avons parlé que de l’économie, en disant que
de telles mesures, mises en place sans arrangements préalables, nuiraient aux
intérêts de nombreux autres pays, dont la Russie – en tant que principal
partenaire commercial de l’Ukraine –, et qu’un large débat sur ces questions
était nécessaire. D’ailleurs, à cet égard, je vous rappelle que, par exemple,
les négociations sur l’adhésion de la Russie à l’OMC ont duré 19 ans. Ce
fut un travail très difficile, et un certain consensus a finalement été
atteint.
Pourquoi
est-ce que je soulève cette question ? Parce qu’en mettant en œuvre ce
projet d’association avec l’Ukraine, nos partenaires seraient venus à nous avec
leurs biens et services par la porte arrière, pour ainsi dire, et nous n’avons
pas donné notre accord pour cela, personne ne nous a rien demandé à ce sujet.
Nous avons eu des discussions sur tous les sujets liés à l’association de
l’Ukraine avec l’UE, des discussions persistantes, mais je tiens à souligner
que notre action a été menée d’une manière tout à fait civilisée, en indiquant
des problèmes possibles, et en soulignant les raisonnements et arguments évidents.
Mais personne ne voulait nous écouter et personne ne voulait discuter. Ils nous
ont simplement dit : ce ne sont pas vos affaires, point, fin de la
discussion. Au lieu du dialogue global, mais – je le souligne – civilisé que
nous proposions, ils en sont venus à un renversement de gouvernement ; ils
ont plongé le pays dans le chaos, dans l’effondrement économique et social,
dans une guerre civile avec des pertes considérables.
Pourquoi ?
Quand je demande à mes collègues pourquoi, ils n’ont plus de réponse ;
personne ne dit rien. C’est tout. Tout le monde est désemparé, disant que ça
c’est juste passé comme ça. Ces actions n’auraient pas dû être encouragées –
cela ne pouvait pas fonctionner. Après tout (je me suis déjà exprimé à ce
sujet), l’ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch avait tout signé, il
était d’accord avec tout. Pourquoi ont-ils fait ça ? Dans quel but ?
Est-ce là une manière civilisée de résoudre les problèmes ? Apparemment,
ceux qui fomentent constamment de nouvelles "révolutions colorées" se
considèrent comme de "brillants artistes" et ne peuvent tout
simplement pas s’arrêter.
Je
suis certain que le travail des associations intégrées et la coopération des
structures régionales doivent être construits sur une base transparente et
claire ; le processus de formation de l’Union économique eurasienne est un
bon exemple d’une telle transparence. Les États qui font partie de ce projet
ont informé leurs partenaires de leurs plans à l’avance, en précisant les
paramètres de notre association et les principes de son travail, qui
correspondent pleinement aux règles de l’Organisation mondiale du commerce.
J’ajouterais
que nous aurions également accueilli favorablement l’initiation d’un dialogue
concret entre l’Eurasie et l’Union européenne. D’ailleurs, ils nous ont presque
catégoriquement refusé cela, et il est également difficile d’en comprendre les
raisons. Qu’est-ce qu’il y a de si effrayant à cela ?
Et
bien sûr, avec un tel travail conjoint, on pourrait penser que nous devons nous
engager dans un dialogue (j’ai évoqué cela à de nombreuses reprises et j’ai
entendu l’accord de plusieurs de nos partenaires occidentaux, du moins en
Europe) sur la nécessité de créer un espace commun pour la coopération
économique et humanitaire s’étendant depuis l’Atlantique jusqu’à l’océan
Pacifique.
Chers
collègues,
La
Russie a fait son choix. Nos priorités sont d’améliorer encore nos institutions
démocratiques et notre économie ouverte, d’accélérer notre développement
interne, en tenant compte de toutes les tendances modernes positives observées
dans le monde, et en consolidant notre société sur la base des valeurs
traditionnelles et du patriotisme.
Nous
avons un agenda pacifique et positif, tourné vers l’intégration. Nous
travaillons activement avec nos collègues de l’Union économique eurasienne, de
l’Organisation de coopération de Shanghai, du BRICS et avec d’autres
partenaires. Ce programme vise à renforcer les liens entre les gouvernements,
pas à les fragiliser. Nous ne prévoyons pas de façonner des blocs ou de
participer à un échange de coups.
Les
allégations et déclarations selon lesquelles la Russie essaie d’établir une
sorte d’empire, empiétant sur la souveraineté de ses voisins, n’ont aucun
fondement. La Russie n’a pas besoin d’un quelconque rôle spécial ou exclusif
dans le monde – je tiens à le souligner. Tout en respectant les intérêts des
autres, nous voulons simplement que nos propres intérêts soient pris en compte
et que notre position soit respectée.
Nous
sommes bien conscients du fait que le monde est entré dans une ère de
changements et de transformations globales, dans laquelle nous avons tous
besoin d’un degré particulier de prudence et de la capacité à éviter toutes
mesures irréfléchies. Dans les années suivant la guerre froide, les acteurs politiques
mondiaux ont, en quelque sorte, perdu ces qualités. Maintenant, nous devons
nous les rappeler. Sinon, les espoirs d’un développement stable et pacifique
seront une illusion dangereuse, tandis que la crise d’aujourd’hui servira
simplement de prélude à l’effondrement de l’ordre mondial.
Oui,
bien sûr, j’ai déjà souligné que la construction d’un ordre mondial plus stable
est une tâche difficile. Nous parlons d’une tâche longue et difficile. Nous
avons réussi à élaborer des règles pour l’interaction après la Seconde Guerre
mondiale, et nous avons pu parvenir à un accord à Helsinki dans les années 1970.
Notre devoir commun est de résoudre ce défi fondamental à cette nouvelle étape
du développement.
Je
vous remercie vivement pour votre attention.
Traduction
en français : http://www.sayed7asan.blogspot.fr
Texte
original (russe) : http://kremlin.ru/news/46860
Traduction
(anglais) : http://eng.news.kremlin.ru/news/23137
Source : LaVoix de la Russie
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