Interview d'Igor Strelkov : «On a fait 17 kilomètres en marche à travers la frontière». (1ère partie)
13 novembre 2014
Igor Strelkov répond aux
questions de Sergueï Chargounov
Sergueï Chargounov : Igor Ivanovitch, quelle
sera la suite des évènements pour les républiques de Donetsk et de Lougansk ?
Elles existeront bien ou leur avenir sera plus qu’incertain ?
Igor Strelkov : J’espère vraiment qu’elles
existeront malgré tous les obstacles et la situation extrêmement dure dans
laquelle elles se trouvent actuellement. J’espère que la Novorussie existera
bien. En tant qu’un état uni allié de la Russie.
S. C. : Il y a eu "le
printemps russe" comme on a appelait ce qui s’est passé en début de l’année
en parlant du retour de la Crimée à la Russie sans qu’on verse une goutte de
sang. Ensuite, il y a eu "l’été russe" avec de nombreuses personnes
tuées au Donbass. Maintenant, c’est "l’hiver russe" qui arrive.
Donbass peut se retrouver en situation d’une véritable catastrophe humanitaire.
Est-ce vrai ?
I. S. : Il est déjà en situation d’une véritable catastrophe humanitaire.
Surtout dans les régions avoisinant la ligne de front. Lorsqu’on évoque ce qui
se passe au Donbass, il ne faut pas oublier que c’est la guerre. Après cette soi-disant
"trêve de Minsk" qui n’a jamais existé que sur le papier et ne
profitait qu’à la seule partie ukrainienne – en aucun cas au Donbass ni à la
Russie – il n’y a pas eu depuis, un seul jour d’accalmie au front. Tandis qu’aujourd’hui,
lorsque la partie ukrainienne a renié quasi ouvertement les conditions des
accords de Minsk, la situation y est très alarmante. Donetsk est pilonné comme elle
ne l’a jamais été avant Minsk. Ce sont des pilonnages sévères sans
interruption. Ainsi que de toutes les autres agglomérations. En fait, tout le
territoire de Donetsk et de Lougansk est balayé de bout en bout, sauf peut-être,
des villes profondément en arrière comme Antratsit.
S. C. : Depuis votre départ recevez-vous des informations sur ce qui se
passe ?
I. S. : Évidemment.
S. C. : Vous avez des sources faibles là-bas ?
I. S. : Je reçois quotidiennement des infos par mail et par téléphone. Je
ne dirai pas que les commandants des unités et les hommes politiques me
rapportent, puisqu’aujourd’hui je ne suis plus leur chef, mais ils ont à cœur
de me mettre au courant de tout ce qui se passe.
S. C. : Selon vous, la reprise des hostilités à grande échelle est-elle
possible ?
I. S. : Mais c’est bien ce qui se passe là-bas en ce moment. Simplement,
c’est une guerre des positions.
S. C. : Je parle des mouvements des chars, etc.…
I. S. : Elles sont inévitables, simplement inévitables. La partie
ukrainienne ne l’a jamais caché, même durant le cessez-le-feu de Minsk, son
intention de reprendre le Donbass sous sa dictature. Et elle s’y affairera.
Ensuite, ce sera le tour de la Crimée. Tous nos hommes politiques qui nous
parlent sérieusement des quelconques accords, de la trêve avec la partie
ukrainienne, nous mentent délibérément. En premier lieu, je considère que ce
sont ceux qui sont responsables de ces accords de Minsk qui nous mentent. Ils
savent parfaitement que la partie ukrainienne n’acceptera jamais, jusqu’à son
anéantissement militaire total, le départ de la Novorussie. Mais ils mentent
sciemment compte tenu de leurs intérêts tactiques qui n’ont rien à voir avec
les intérêts de la Russie et de la Novorussie.
S. C. : Pendant le siège de Slaviansk, vous vous êtes transformé en un
symbole. Et vous restez toujours un homme-légende pour plusieurs. Vous y étiez
préparé ?
I. S. : Pas du tout. De plus, devenir une personne jouant d’une
quelconque célébrité publique n’a jamais fait partie de mes projets. Admettons
que lorsque l’épopée de Slaviansk a démarré, je comptais agir exactement comme
en Crimée, car il y avait un espoir que les évènements suivront le scénario de
Crimée. Ainsi, on prévoyait donner un coup de main aux leaders locaux et aux
miliciens pour établir le pouvoir du peuple, organiser un referendum, se
rattacher à la Russie, ce qui était notre objectif commun et leur propre
objectif en premier lieu. Que personne ne leur a imposé, c’était leur désir
sincère. Ensuite, sans sortir de l’ombre, je devais disparaître, comme j’ai
disparu de la Crimée.
S. C. : La Crimée, je vais encore y revenir. Comment aujourd’hui
ressentez-vous votre célébrité ? Elle vous pèse ? Quelque chose a
changé en vous ?
I. S. : Au début, lorsqu’un tel besoin crucial s’est posé et, disons, on
m’a vivement recommandé de m’exposer, j’en ai ressenti une gêne, une gêne
colossale, puisque tout au long de mon service, je me suis habitué à rester une
personne non publique. J’avais l’habitude d’agir, de prendre des décisions, et
c’est un cercle très restreint de personne qui était au courant de mes
fonctions antérieures, quelles étaient les opérations auxquelles j’avais
participé et les détails de celles-ci. Ainsi, j’étais très gêné, mais aujourd’hui
je me suis un petit peu habitué à cette attention venant des médias. Plus
encore, j’accepte d’être en contact avec eux, non pas pour me faire une
notoriété, mais dans les intérêts de notre mouvement.
S. C. : Le mouvement s’appelle "La Novorussie" ?
I. S. : Oui, le mouvement "La Novorussie" par lequel nous
espérons regrouper toutes les forces publiques non gouvernementales qui veulent
réellement aider la Novorussie, coordonner leurs actions pour que celles-ci
soient au maximum efficaces.
S. C. : Il s’agit essentiellement d’un support humanitaire ?
I. S. : Il s’agit exclusivement d’un support humanitaire. Nous prévoyons
en premier lieu aider par des habillements, des équipements, des
ravitaillements, toute sorte d’approvisionnements non combatifs. Ensuite, c’est
le soutien aux combattants des FAN eux-mêmes et aux membres de leurs familles
qui sont loin d’être en meilleure situation. Un autre axe d’activité important :
l’aide aux blessés qui est extrêmement insuffisant. Bien plus encore, les républiques
de Donetsk et de Lougansk n’ont pas les moyens de les aider réellement. Alors
que les blessés après s’être fait soigner, surtout ceux qui ont été mutilés, se
trouvent en situation alarmante : ils ne touchent pas de pensions, de
traitement, rien. Ainsi, sur le territoire russe ils n’ont aucun statut non
plus. Mais la plupart se fait soigner ici, et nous tâchons de prendre à notre
charge le maximum d’aide aux gens ayant défendu la Russie et ayant beaucoup
sacrifié pour sa défense. Ensuite, l’aide aux familles des personnes mortes au
combat. Et encore une composante : informationnelle. Nous n’y renonçons
pas. Nous estimons que l’idée de la Novorussie a extrêmement besoin d’être
soutenue. On essaye de nous baratiner, pour niveler le problème de l’existence
de la Novorussie et faire semblent que la population des oblasts de Lougansk et
de Donetsk s’est soulevée pour marchander certains droits. C’est faux, la
population des oblasts de Lougansk et de Donetsk s’est soulevée pour le
rattachement à la Russie. Et lorsque, pour certaines considérations d’ordre de politique
extérieure, la Russie a renoncé à leur rattachement suivant le modèle de la
Crimée, ils se sont mis à contrecœur à combattre pour leur souveraineté. Pour
la souveraineté en coalition avec la Russie.
S. C. : Vous n’avez pas de projets d’y retourner ?
I. S. : En ce moment, mon retour y est impossible. Plus encore, il n’est
pas opportun. Je peux vous expliquer pourquoi. Vous comprenez, dans la
situation qui s’est créée, ma figure est inacceptable pour Kiev. Tant que l’on
continue à négocier avec Kiev, en dépit de bon sens. Tant que la composante
gazière importe plus que les vies des millions de Russes, mon retour est
impossible… Il sera accueilli par de soi-disant partenaires de manière très
négative. Plus encore, actuellement à la tête des deux républiques se sont
trouvées des personnes qui ne vont pas bien prendre mon retour. Ne serait-ce
que parce qu’il existe un important mécontentement dans l’armée des deux
républiques, et mon apparition, même en tant que simple soldat non gradé, peut
devenir un aimant qui attire tous les mécontents. Premièrement, moi-même, je ne
le souhaite pas. Deuxièmement, je considère que ce serait destructeur, quels
que soient les qualités ou les défauts des leaders. Je ne connais pas
Plotnitski, Zakhartchenko, je le connais assez bien. C’est un vaillant
commandant.
S. C. : Vous l’avez connu là-bas ?
I. S. : Oui, à Donetsk.
S. C. : C’est-à-dire, après Slaviansk ?
I. S. : Bien sûr. Il n’a pas été à Slaviansk. Mais j’ai un avis négatif
sur certaines de ses décisions, notamment des accords de Minsk. Néanmoins, je
pense que dans de conditions des actions militaires, aucune opposition n’est
acceptable, surtout une opposition armée. En comprenant que mon retour à
Donetsk provoquerait une situation de dyarchie, je ne peux pas y retourner sans
y être mandaté.
À suivre....
Source : fr.novorossia.today
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