COMMENT COMMENCER UNE GUERRE ET PERDRE UN EMPIRE
PAR DMITRY ORLOV
25 octobre 2014
THE
FRENCH SAKER
Préambule
Un article aussi long sur
(ce que nous devons désormais appeler) le conflit américano-russe, signé par
Dmitry Orlov, un délice.
Orlov est d’abord russe. Il
a subi et couvert le désastre de l’effondrement des années 90, il est
considéré comme un des papes du revivalisme, cet art de survivre allègrement,
pour, par la suite, vivre avec beaucoup moins.
Plus précisément un Russe
originaire de Leningrad [nom donné à Saint-Pétersbourg durant l’URSS]. Ces
habitants de Leningrad, qui se sont serré les coudes durant un siège terrible.
Ces habitants jardiniers dans leurs squares, mais aussi architectes
prolétariens relevant les plans des palais tsaristes, avant qu’ils ne soient
bombardés, afin de restituer, un jour, ce patrimoine à la Russie.
Le Gang de la clé à molette (The Monkey Wrench Gang), un roman de 1975 par Edward Abbey |
Un Russe émigré en occident,
du genre freak, ceux qui ont fait les beaux jours de l’image de l’Amérique
vendue d’ici : les Hunter S. Thompson, les Edward Abbey, des renégats, les
Jazzmen rejetés, le fameux Gang de la clef à molette.
Autant dire qu’Orlov est un
communicant, qui nous fait mieux comprendre l’âme russe que d’aucuns pourraient
trouver vieux jeu ou désuète, en écoutant certains caciques russes dans des
émissions grand public de la télévision russe. Mais sans se départir de
l’essentiel, la simplicité et la cohérence qui caractérisent les interventions
de Poutine ou de Lavrov. L’auditeur occidental est toujours surpris de se
sentir à nouveau concerné, impliqué. C’est l’occasion pour entamer une
détoxification.
Entre un premier « Bouh ! »
et un « Bouh ! » final (entre ses guillemets donc), c’est toute
la situation vécue par les Russes qui défile, dans un sarcasme typiquement
occidental, mais qui saura rester juste. Pour tous les Russes (mais « j’en
suis » aussi), le comportement des Occidentaux est tellement absurde.
C’est la longue liste de tous les coups tordus de ces deux dernières années qui
sont passés en revue par Orlov, ceux-là mêmes qui ont réveillé l’âme russe.
Dès lors, les US ont
beaucoup à perdre, historiquement beaucoup à craindre. Quelques phrases
assassines vont faire hurler bien des Nuléo-con’s. Mais la France, le peuple
français, pourrait y voir une opportunité de s’émanciper, de respirer et
retrouver cette cohésion sociale avec laquelle nos aînés ont eux aussi fait des
miracles (je pense au Conseil national de la Résistance).
Alors bien sûr, nous avons
ici aussi nos élites séniles, nos Paneta, des Fabius, des Hollande, mais un
consensus mafieux est en train de s’effriter, beaucoup de peuples ont une
histoire forte et la Russie fait appel à eux au-delà des oligarques, avec des
discours simples, clairs, positifs.
Désormais There Is An
Alternative [il y a une alternative, TIIA, par opposition à TINA].
Cette TIAA n’est pas
politique, elle n’est pas plus économique pour l’instant : c’est un
capitalisme régulé à l’ancienne qui est envisagé. Les portes sont ouvertes :
aux politiques, aux nouvelles économies, aux ingénieurs (les satellites du
système Galileo lancés par des Soyouz ont été remis sur orbite, un repère
donc).
C’est la Russie qui
s’éveille. Avec la foi et la pugnacité de son peuple.
Le Saker francophone
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Comment
commencer une guerre et perdre un empire
Il
y a de cela un an et demi, j’ai écrit un essai sur la façon dont les États-Unis
ont choisi de considérer la Russie, intitulé « L’image de l’ennemi ».
À l’époque, je vivais en Russie, et, après avoir entendu la rhétorique
américaine antirusse et la réaction russe, j’ai fait quelques observations qui
semblaient importantes à l’époque. Il s’avère que j’ai réussi à repérer une
tendance importante, mais, étant donné le rythme rapide de l’évolution depuis
lors, ces observations sont maintenant obsolètes, donc voici une mise à jour.
La tentative de mainmise guerrière des USA sur le monde sous le prétexte de libérer les peuples et de promouvoir la démocratie |
À
cette époque, il n’y avait pas encore beaucoup d’enjeux. Il y avait beaucoup de
bruit autour d’un gars nommé Magnitski, un avocat-escroc d’entreprise qui avait
été appréhendé et était mort durant sa détention provisoire. Il était
l’intermédiaire d’escrocs occidentaux bien pires et qui n’ont, bien sûr, jamais
été appréhendés. Les Américains ont choisi de considérer cela comme une
violation des droits de l’homme et ont répondu avec la dénommée loi Magnitski,
qui était censée sanctionner certains individus russes qualifiés de violeurs
des droits de l’homme. Les législateurs russes ont réagi avec le projet de loi Dima Yakovlev, nom d’un orphelin russe adopté par des Américains, qui l’ont
laissé mourir, en l’abandonnant dans une voiture verrouillée pendant neuf
heures. Cette loi dissuade les Américains tueurs d’orphelins d’adopter des
orphelins russes. Tout cela est devenu un mélodrame un peu idiot.
Mais
quel changement a pu se produire en un an et demi ? L’Ukraine,
s’effondrant lentement au même rythme que durant les deux décades passées
depuis son indépendance, est maintenant vraiment un État défunt, avec son
économie en chute libre, une région disparue et deux autres en rébellion
ouverte, la plus grande partie du pays terrorisé par des escadrons de la mort
financés par les oligarques, et dirigé par quelques marionnettes désignées par
les Américains et tremblant à l’idée de ce qui peut arriver. Les conflits
larvés en Syrie et en Irak ont, depuis, éclaté en véritable guerre, avec de
grandes parties de ces deux pays, désormais sous le contrôle du califat
islamique, qui a été formé avec l’aide des États-Unis, avec des armes de
fabrication américaine, via les Irakiens. La Libye post-Kadhafi semble tout à
fait capable d’établir un califat islamique par ses propres moyens. Dans ce
contexte d’échec patent de leur politique étrangère, les États-Unis ont
récemment dû s’adapter, et ont accusé la Russie de poster des troupes aux
portes de l’OTAN, comme si cela n’avait rien à voir avec le fait que l’OTAN
s’était étendu à l’est, le long des frontières de la Russie. Sans surprise, les
relations américano-russes ont maintenant atteint un point, où les Russes
s’autorisent à émettre un avertissement sévère : de nouvelles tentatives
de chantage occidentales pourraient entraîner une confrontation nucléaire.
Le
comportement américain tout au long de cette succession d’échecs a été
remarquablement stable, l’élément constant étant leur refus catégorique de
faire face à la réalité, autant dans la forme que sur le fond. Tout comme
avant, en Syrie, les Américains sont toujours à la recherche d’islamistes
modérés pro-occidentaux, qui feront ce que les Américains veulent (renverser le
gouvernement de Bachar al Assad), mais sauront s’arrêter, au moment de tuer
tous les envahisseurs infidèles qui leur tombent sous la main. Le fait que des
islamistes modérés pro-occidentaux ne semblent pas exister n’affecte en rien la
stratégie américaine dans la région.
De
même, en Ukraine, le fait que les lourds investissements américains dans la
liberté et la démocratie ou une société ouverte, ou ce que vous voudrez, aient
produit un gouvernement dominé par les fascistes et une guerre civile à l’est,
selon les Américains, ne sont que de la propagande russe. Défiler sous la
bannière de la division ukrainienne SS de Hitler et la reconnaissance des
collaborateurs nazis comme des héros nationaux n’est tout simplement pas assez
convaincant pour eux. Qu’est-ce que ces nazis doivent faire pour prouver qu’ils
sont nazis ? Construire des fours et rôtir des Juifs ? Massacrer les
gens en mettant le feu à un bâtiment, comme ils l’ont fait à Odessa, ou tirer
dans le dos de civils désarmés et de les jeter dans des fosses communes, comme
ils l’ont fait à Donetsk, ne semble pas suffire non plus. Le fait que de
nombreuses personnes ont refusé d’être dirigées par des voyous nazis, et ont
résisté avec succès, a conduit les Américains à les étiqueter comme des
séparatistes pro-russes. Cela, à son tour, a été utilisé pour rendre
responsable la Russie des troubles en Ukraine, et imposer des sanctions à la
Russie. Les sanctions seront reconsidérées, si la Russie retirait ses troupes
d’Ukraine. Le problème, c’est qu’il n’y a pas de troupes russes en Ukraine.
Notez
que ce genre de comportement n’a rien de nouveau. Les Américains ont envahi
l’Afghanistan parce que les talibans n’envisageaient d’expulser Oussama Ben
Laden (qui était un agent de la CIA) que si les Américains produisaient des
preuves l’impliquant dans l’attentat du 9/11, preuves qui n’existaient pas. Les
Américains ont envahi l’Irak parce que Saddam Hussein ne renonçait pas à ses
armes de destruction massive, qui n’existaient pas. Ils ont envahi la Libye
parce que Mouammar Kadhafi n’abandonnait pas les positions officielles qu’il ne
détenait pas. Ils étaient prêts à envahir la Syrie de Bachar al Assad, qui
avait utilisé des armes chimiques contre son propre peuple – sans jamais
l’avoir fait. Et maintenant, ils ont imposé des sanctions à la Russie, parce
que la Russie a déstabilisé et envahi l’Ukraine, alors qu’elle n’en a rien fait
non plus (les États-Unis l’ont fait.).
Les
sanctions contre la Russie paraissent d’autant plus incompréhensibles, qu’elles
ont un effet boomerang dans la mesure où elles font du mal à l’Ouest, tout en
donnant au gouvernement russe l’élan nécessaire pour faire ce qu’il a toujours
voulu faire. Les sanctions portant atteinte aux droits d’un certain nombre
d’hommes d’affaires et de responsables russes, elles les incitent à rapidement
retirer leur argent des banques occidentales, à sortir leurs enfants des écoles
et des universités de l’Ouest, et à faire tout ce qu’ils peuvent pour démontrer
qu’ils sont de bons Russes patriotiques et ne sont pas des laquais des
Américains. Les sanctions qui affectent un certain nombre de compagnies russes
dans le secteur de l’énergie, les coupant des ressources technologiques et des
financements occidentaux, vont principalement nuire aux bénéfices des sociétés
occidentales de l’énergie, tout en aidant leurs concurrentes chinoises. Il y
avait même des menaces de couper la Russie du système bancaire SWIFT, ce qui
aurait rendu difficile la tâche de transférer des fonds entre la Russie et
l’Occident, mais ces menaces ont plutôt donné à la Russie l’impulsion
nécessaire pour introduire son propre système dénommé RUSSWIFT, qui sera même
ouvert à l’Iran, et de neutraliser les efforts américains pour imposer des
restrictions financières.
Les
sanctions ont été conçues pour causer des dommages économiques, mais les
efforts occidentaux pour infliger des dommages économiques à court terme à la
Russie sont défaillants. Couplé à une baisse significative du prix du pétrole,
tout cela était censé faire du mal à la Russie sur le plan financier, mais,
comme les sanctions ont fait chuter le cours du rouble, le résultat net sur les
finances de la Russie est un véritable lifting. Les prix du pétrole sont plus
faibles, mais, grâce en partie aux sanctions, il en est de même pour le cours
du rouble, et, parce que les revenus du pétrole sont encore en grande partie
libellés en dollars, les recettes fiscales de la Russie restent au même niveau
qu’avant. Et puisque les compagnies pétrolières russes gagnent des dollars à
l’étranger, les convertissant ensuite en rouble sur le marché intérieur, leur
budget de production n’est pas affecté.
Les
Russes ont également répondu en imposant des contre-sanctions, et ont pris des
mesures rapides pour neutraliser l’effet des sanctions à leur encontre. La
Russie a interdit l’importation de produits provenant de l’Union européenne, au
grand dam des agriculteurs européens. Les plus touchés sont des membres de
l’Union européenne particulièrement antirusses : les pays baltes, qui ont
perdu rapidement une fraction importante de leur Produit intérieur brut, ainsi
que la Pologne. Une exception est faite pour la Serbie, qui a refusé de se
joindre aux sanctions. Ici, le message est simple : les amitiés qui ont
duré plusieurs siècles prévalent ; ce que les Américains veulent n’est pas
ce que les Américains auront ; et l’Union européenne est un simple bout de
papier. Ainsi, les contre-sanctions créent des frictions entre les États-Unis
et l’Union européenne, et, au sein de l’Union européenne, entre l’Europe de
l’Est (où les sanctions causent le plus de difficultés) et l’Europe de l’Ouest.
Et, plus important encore, elles évoquent un message simple : les
États-Unis ne sont pas les amis de l’Europe.
Il
y a autre chose qui va devenir plus important dans le long terme : la
Russie a relevé le défi et se détourne de l’Ouest pour se rapprocher de l’Est.
C’est assimilé à une défiance ouverte aux tentatives américaines de domination
du monde, au travers des relations commerciales dans le monde entier, dont une
grande partie est malade et fatiguée de rendre hommage à Washington. La Russie
joue un rôle clé dans la mise sur pied d’un système bancaire international, qui
contourne le dollar américain et la Réserve fédérale américaine. Dans ces
efforts, le territoire et les populations de plus de la moitié du monde sont
carrément du côté de la Russie et applaudissent. Ainsi, l’effort d’isoler la
Russie a produit l’inverse du résultat prévu : il isole l’Ouest du reste
du monde.
Dans
d’autres secteurs, les sanctions sont aussi utiles. L’interdiction
d’importation sur les denrées alimentaires de l’Union européenne est une
aubaine pour l’agriculture nationale, qui répond à un point politique important :
ne pas être nourri des mains de ceux qui vous mordent. La Russie est déjà l’un
des plus grands exportateurs de céréales au monde, et il n’y a pas de raison
qu’elle ne puisse atteindre une entière autosuffisance alimentaire.
L’incitation à se réarmer face à la présence de l’OTAN aux frontières russes
(il y a maintenant des troupes américaines stationnées en Estonie, à seulement
quelques kilomètres de la deuxième plus grande ville de Russie,
Saint-Pétersbourg) fournit le stimulus nécessaire à une reconversion
industrielle. Cette série de dépenses militaires est prévue un peu plus
intelligemment que durant l’époque soviétique, la conversion éventuelle [des
innovations militaires, NDT] dans le domaine civil faisant partie du plan dès
le début. Ainsi, avec les meilleurs chasseurs à réaction du monde, la Russie
est susceptible de commencer à construire des avions civils pour l’exportation,
qui viendront en concurrence directe avec Airbus et Boeing.
Mais
ce n’est que le début. Les Russes semblent s’être enfin rendu compte à quel
point le terrain de jeu a été étendu à leur détriment. Ils ont été forcés de
jouer avec les règles de Washington de deux façons :
1. se plier à la volonté de Washington, afin de maintenir leurs cotes de crédit élevées dans les trois principales agences de notation de crédit occidentales, afin de garantir l’accès au crédit de l’Ouest ;
2. respecter les règles de l’Ouest lors de la délivrance de leur propre crédit, donc maintenir les taux d’intérêt intérieurs artificiellement élevés.
Le
résultat a été que les entreprises américaines étaient en mesure de financer
leurs opérations à moindre coût, ce qui les rendait artificiellement
compétitives. Mais, maintenant que la Russie agit rapidement afin de sortir de
l’emprise du dollar américain, commerçant via des contrats d’échanges
bilatéraux (complétés par une quantité d’or, lorsque la couverture commerciale
est insuffisante), elle est aussi à la recherche de façons de transformer la
création monétaire à son avantage.
À
ce jour, le diktat transmis de Washington est : "Nous pouvons imprimer
autant d’argent que nous voulons, mais, vous, vous ne pouvez pas, sinon nous
allons vous détruire". Mais cette menace sonne de plus en plus creux, et la
Russie n’utilisera plus ses recettes en dollars pour acheter de la dette
américaine. Une proposition actuellement sur la table est de rendre impossible
de payer les exportations de pétrole russe autrement qu’en rouble, par la
création de deux sociétés de courtage de pétrole, une à Saint-Pétersbourg,
l’autre à sept fuseaux horaires de là, à Vladivostok. Les acheteurs étrangers
de pétrole auraient alors à gagner leurs pétro-roubles par la voie honnête du
commerce bilatéral ou, s’ils ne peuvent fournir suffisamment de biens que les
Russes souhaitent importer, ils pourraient payer le pétrole avec de l’or
(jusqu’à épuisement des stocks). Sinon les Russes pourraient simplement
imprimer des roubles, et, pour s’assurer que cette création de monnaie ne
provoque pas d’inflation intérieure, ils pourraient exporter l’inflation en
jouant avec le robinet du pétrole et les taxes à l’exportation sur le pétrole.
Et si des gens comme George Soros décident d’attaquer le rouble afin de le
dévaluer, la Russie pourrait défendre sa monnaie tout simplement en imprimant
moins de roubles pour un temps (pas besoin de stocker des réserves en dollars).
Jusqu’à
présent, cela ressemble à une guerre économique typique : les Américains
veulent obtenir tout ce qu’ils veulent en imprimant de l’argent, tout en
bombardant ceux qui leur désobéissent, pour les soumettre et les sanctionner,
tandis que le reste du monde tente de leur résister. Mais, au début de 2014, la
situation a changé. Les États-Unis ont tenté un coup à Kiev, et, au lieu de se
coucher et de faire le mort comme ils étaient censés le faire, les Russes ont
monté une campagne rapide et réussi brillamment à regagner la Crimée, puis maté
avec succès la junte de Kiev, l’empêchant de consolider son contrôle sur le
reste de l’ancien territoire de l’Ukraine, en laissant entrer des bénévoles,
des armes, de l’équipement et de l’aide humanitaire et en laissant sortir des
centaines de milliers de réfugiés (par la frontière russo-ukrainienne
strictement théorique, tout en évitant la confrontation militaire directe avec
l’OTAN). Voir tout ce qui se passe dans les journaux télévisés du soir a
réveillé la population russe de sa torpeur politique, les a poussé à s’asseoir
et à s’intéresser, et la cote de popularité de Poutine s’est envolée, pour
crever le plafond.
La
perception de tout cela, comme ils aiment le dire à la Maison-Blanche, est
plutôt de mauvais augure. Alors que nous fêtons le 70e anniversaire de la
victoire dans la Seconde Guerre mondiale (une occasion importante pour les
Russes, qui se piquent d’avoir défait Hitler sans l’aide de personne), dans le
même temps, les États-Unis (autoproclamés ennemi juré de la Russie) profitent
de l’occasion pour réveiller et nourrir le monstre du nazisme juste à la
frontière russe (à l’intérieur des frontières de la Russie, diraient certains
Russes et Ukrainiens). Cela incite les Russes, à leur tour, à se souvenir de la
mission historique et unique de la Russie parmi tous les pays, qui est de
contrecarrer les tentatives de toutes les autres nations à vouloir dominer le
monde, que ce soit la France napoléonienne, l’Allemagne hitlérienne ou
l’obamaniaque Amérique. Chaque siècle, une nation oublie ses leçons d’histoire
et attaque la Russie. Le résultat est toujours le même : beaucoup de
cadavres cloués dans des congères, puis la cavalerie russe galope dans Paris,
ou les chars russes roulent sur Berlin. Qui sait comment cela va finir cette
fois-ci ? Ce seront peut-être des hommes polis, bien armés, en uniformes
verts sans insigne, patrouillant dans les rues de Bruxelles et de Washington D.
C. Seul le temps nous le dira.
Le costume d’Obama-Superman rétrécit dans les sondages (Polls) |
On
pourrait penser qu’Obama a déjà surestimé sa main, et devrait se comporter en
conséquence. Sa popularité chez lui est à peu près l’inverse de celle de
Poutine, en fait, Obama reste plus populaire que le virus Ebola, mais de
justesse. Il n’obtient rien après avoir tout joué, pas même le moindre
résultat, et ses efforts à ce jour, chez lui et à l’étranger, ont été, à peu de
chose près, une catastrophe. Alors qu’est-ce que ce travailleur social devenu
mascotte nationale s’est décidé à faire ? Eh bien, de la façon dont les
Russes le voient, il a décidé de déclarer la guerre à la Russie ! Dans le
cas où vous l’auriez manqué, regardez son discours devant l’Assemblée générale
des Nations-Unies. C’est sur le site Web de la Maison-Blanche. Il a placé la
Russie exactement entre Ebola et l’État islamique [ISIS, EIIL, DAECH…), parmi
les trois plus grandes menaces qui pèsent sur le monde. Avec des yeux russes,
son discours se lit comme une déclaration de guerre.
C’est
une nouvelle sorte de guerre mixte. Ce n’est pas une guerre totale à mort, bien
que les États-Unis se soient montrés bien imprudents, selon les vieux critères
de la Guerre froide, en oubliant la confrontation nucléaire. C’est une guerre
de l’information, à base de mensonges et d’injuste diffamation. C’est une
guerre économique et financière, en usant de sanctions. C’est une guerre
politique, avec le renversement violent d’un gouvernement élu et le soutien à
des régimes hostiles, aux frontières de la Russie. Et c’est une guerre
militaire, avec le déploiement, certes inefficace, mais néanmoins insultant,
d’une poignée de soldats américains en Estonie. Et les objectifs de cette
guerre sont clairs : porter atteinte à la Russie sur le plan économique,
la détruire politiquement, la démembrer géographiquement, et la transformer en
un État vassal, qui fournit les ressources naturelles de l’Ouest presque
gratuitement (avec quelques aumônes à une poignée d’oligarques russes et des
voyous criminels qui jouent au ballon). Mais tout cela ne se produira pas,
parce que, vous voyez, beaucoup de Russes savent tout cela, et veulent choisir
des dirigeants, qui, sans gagner des concours de popularité en Occident, vont
les conduire à la victoire.
Selon
la prise de conscience que les États-Unis et la Russie sont, qu’on le veuille
ou non, dans un état de guerre, même si ce n’est pas toujours très clair, les
gens en Russie essaient de comprendre pourquoi il en est ainsi et ce que cela
signifie. De toute évidence, les États-Unis ont vu la Russie comme un ennemi
dès l’époque de la Révolution de 1917, sinon plus tôt. Par exemple, il est
connu que, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, des stratèges
militaires, en Amérique, envisageaient une attaque nucléaire contre l’URSS, et
la seule chose qui les a retenus, c’était le fait qu’ils n’avaient pas assez de
bombes, et que donc la Russie aurait pris l’ensemble de l’Europe, avant que les
effets des frappes nucléaires aient pu les dissuader de le faire (la Russie
n’avait pas d’armes nucléaires à l’époque, mais beaucoup de forces
conventionnelles en plein cœur de l’Europe).
Mais
pourquoi la guerre a-t-elle été déclarée maintenant, et pourquoi a-t-elle été
déclarée par ce travailleur social devenu un dirigeant traitre ? Certains
observateurs attentifs ont mentionné son slogan, l’audace de l’espoir, et se
hasardèrent à deviner que ce genre d’audace (qui en russe ressemble beaucoup à
la folie) pourrait être un élément clé de son caractère, qui lui donne le désir
d’être le leader de l’univers, comme Napoléon ou Hitler. D’autres regardaient
le charabia de la campagne de sa première élection présidentielle (qui a attiré
autant de stupides jeunes Américains) et ont découvert qu’il faisait beaucoup
de compliments à divers militaires partisans de la Guerre froide. Pensez-vous
qu’Obama serait peut-être un spécialiste de l’histoire et un géopoliticien
habile à part entière ? (Cette question pousse à rire habituellement,
parce que la plupart des gens savent qu’il est juste un simple d’esprit et répète
ce que ses conseillers lui disent de dire.) Hugo Chavez l’a une fois qualifié
d’otage à la Maison-Blanche, et il n’était pas trop loin du compte. Alors,
pourquoi ses conseillers sont-ils désireux d’entrer en guerre avec la Russie, à
l’heure actuelle, cette année ?
Est-ce
parce que les USA s’effondrent plus rapidement que la plupart des gens ne
l’imaginaient ? Ce raisonnement est le suivant : le système américain
de domination du monde par l’agression militaire et par la création de monnaie
illimitée est un échec devant nos yeux. Le public n’a aucun intérêt à davantage
de bottes sur le terrain, de campagnes de bombardement, qui ne font rien
d’autre qu’aider des militants à régner, des militants que les Américains
eux-mêmes ont aidé à organiser et à équiper. L’hégémonie du dollar se délite,
chaque jour qui passe. La Réserve fédérale n’a plus de munitions fraîches et
doit faire le choix entre un crash sur le marché boursier et un crash sur le
marché obligataire. Pour arrêter, ou au moins pour prévenir cette tendance à la
baisse financière, économique et politique, et la masquer, les États-Unis
doivent agir rapidement, en sapant toutes les économies concurrentes dans le
monde, et cela par tous les moyens qu’ils ont à leur disposition :
campagne de bombardement, révolution ou pandémie (même si cette dernière peut
être un peu difficile à garder sous contrôle). La Russie est une cible
évidente, c’est le seul pays au monde qui a eu le courage de réellement montrer
un leadership international dans sa confrontation avec les États-Unis et qui a
réussi à les faire plier. Par conséquent, la Russie doit être punie d’abord,
pour maintenir les autres au garde-à-vous.
Je
ne suis pas en désaccord avec cette ligne de raisonnement, mais je veux ajouter
quelque chose à cela.
Tout
d’abord, l’offensive américaine contre la Russie, avec la majorité du reste du
monde, est une des choses que les Américains aiment à qualifier de réalités de
terrain, et celles-ci prennent du temps à être réalisées. Le monde n’a pas été
fait en un jour, et il ne peut pas être détruit en un jour (sauf si vous
utilisez des armes nucléaires, mais il n’y a là de stratégie gagnante pour
personne pas même pour les États-Unis). Mais tout le château de cartes
financier peut être détruit assez rapidement, et ici la Russie peut faire
beaucoup de choses, tout en risquant peu. Financièrement, la position de la
Russie est si solide, que même les trois agences de notation de crédits
occidentales n’ont pas le culot de dégrader la note de la Russie, et cela
malgré les sanctions. C’est un pays qui a volontairement remboursé sa dette
extérieure, qui dispose d’un excédent budgétaire record et d’une balance des
paiements positive, qui a entassé des réserves d’or physique, et pas un mois ne
passe sans qu’elle ne signe un grand accord commercial international (qui
contourne le dollar américain). En comparaison, les États-Unis sont un homme
mort en marche : à moins qu’ils puissent continuer à rouler sur des
milliards de dollars de dette à court terme, chaque mois à des taux d’intérêt
historiquement bas, ils ne seront pas en mesure de payer les intérêts sur leur
dette ou leurs factures. Adieu, l’État providence, bonjour les émeutes. Adieu
aux entrepreneurs militaires et à l’application de la loi fédérale, bonjour le
chaos et l’ouverture des frontières. Maintenant, infléchir les réalités de
terrain suppose des actions physiques, tandis que financièrement, pour
provoquer une ruée vers la sortie, il suffit que quelqu’un crie un « Bouh ! »
assez fort et de façon assez convaincante.
Deuxièmement,
il faut comprendre qu’à ce stade, l’élite dirigeante américaine est presque
entièrement sénile. Les plus âgés semblent effectivement séniles au sens
médical. Prenez Leon Panetta, l’ancien secrétaire à la Défense : lors de
la descente en flamme de son dernier livre, et il en est toujours à blâmer
Bachar al Assad en Syrie pour le gazage de son propre peuple ! À présent,
tout le monde sait que c’était une attaque sous fausse bannière, menée par des
rebelles syriens désemparés, avec l’aide de l’Arabie saoudite, pour être
utilisée comme une excuse pour les États-Unis pour bombarder à nouveau la Syrie
(vous savez, à nouveau le vieil argument des armes de destruction massive).
Soit dit en passant, ce genre de stupidité, l’insistance répétitive sur un
raisonnement faux, apparaît comme un signe certain de la sénilité. Ce plan n’a
pas fonctionné, parce que Poutine et Lavrov sont intervenus et ont rapidement
convaincu Assad d’abandonner son inutile stock d’armes chimiques. Les
Américains étaient livides. Donc, tout le monde connaît l’histoire, sauf
Panetta. Vous voyez, une fois qu’un responsable américain commence à mentir, il
ne sait tout simplement pas comment s’arrêter. L’histoire commence toujours par
un mensonge, et, quand des faits émergent, qui contredisent l’histoire
initiale, ils sont tout simplement ignorés.
Voilà
pour la vieille garde sénile, mais quid de leurs remplaçants ? Eh bien, le
garçon à l’affiche pour les jeunes est Hunter Biden, fils du Vice-président,
qui a fait la tournée des putes et des coups fourrés en Ukraine l’été dernier,
et a atterri par inadvertance sur un siège au conseil d’administration de la
plus grande entreprise de gaz naturel de l’Ukraine (qui n’a plus beaucoup de
gaz d’ailleurs). Il vient de se révéler être un fou de coke. En plus des
nombreux préemptés, comme le fils du Vice-président, il y a aussi des granges
pleines de prêts à bêler parmi les diplômés de l’Ivy League, qui ont été
préparés pour les emplois dans les hautes sphères. Ce sont d'excellents moutons
du professeur William Deresiewicz.
Le
fait est qu’il n’y a pas grand monde, jeune ou vieux, apte à répondre à des
problèmes internationaux, des défaites militaires, des catastrophes
humanitaires. Toutes ces choses les dépassent, et ils s’en remettent à vous
pour les promouvoir, sans être trop regardants quant à leur vision idyllique
sur eux-mêmes. Le seul coup qu’ils peuvent réellement flairer, c’est un coup
sur leur portefeuille.
Ce
qui nous ramène toujours à mon premier point : Bouh !
Dimitry
Orlov
Traduit par LaLEF (qui a aussi
rédigé le préambule) et révisé par Hervé, pour vineyardsaker.fr
Source :
How to start a war and lose an empire (cluborlov.blogspot.fr, anglais,
21-10-2014)
Source : Vineyardsaker.fr
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