Poutine a-t-il tué le cacique eltsinien Boris Nemtsov ?
4 mars 2015
Jean-Luc Mélenchon
On peut ne pas être d'accord avec sa politique, mais l'homme possède une vision lucide sur la situation en Ukraine et sur le Monde Russe. Il ne répète pas sans cesse les injonctions des autorités bien-pensantes. A lire avec plaisir!
Le malheureux a été
assassiné Place Rouge devant le Kremlin, la veille de la manifestation à
laquelle il avait appelé en compagnie d’une autre grande figure de
l’opposition, le raciste et antisémite Alexey Navalny. Des flots d’encens sont
aussitôt montés vers le ciel, votivement offerts par tous les médias « éthiques et indépendants ». Le premier
d’entre eux, « Le Monde »,
a pieusement recopié, sans nuance ni recul, la notice de l’ambassade des
États-Unis. Il a donc repeint Nemtsov aux couleurs du martyr de la démocratie,
de l’Occident et ainsi de suite.
Qualité à laquelle n’accédera jamais le
blogueur saoudien qui reçoit chaque semaine sa ration des mille coups de fouet
qu’il doit endurer sans bénéficier de l’indignation mondialement bruyante
d’Obama, de François Hollande, et les autres. Ni, bien sûr, « Le Monde », ni l’ignoble Plantu,
titulaire du prix de 10 000 euros « pour la liberté de la presse » que lui ont attribué les riants
fouetteurs du Qatar. Sans vergogne, « Le
Monde » écrit : « Boris Nemtsov,
qui avait 55 ans, n’était pas un héritier du soviétisme. C’était un
authentique démocrate, un homme qui croyait en l’universalité des valeurs de
liberté et de pluralisme ». Quel besoin d’en rajouter à ce point ?
Ne suffit-il que cet homme ait été assassiné pour déplorer sa mort ? Non,
bien sûr ! L’apologie de Nemtsov, illustrissime inconnu avant son meurtre,
fonctionne comme un piège à naïf pour créer une ambiance de « Sadamisation » contre Poutine. « A-t-on encore le droit de s’opposer en
Russie », me demande une journaliste qui ne connaît rien ni à cette
affaire ni à aucune autre concernant la Russie contemporaine. On devine le
sous-entendu. Ce Nemtsov aurait été assassiné par Poutine. Sans le début d’une
preuve, l’accusation est instillée. Ces gens-là n’ont aucune subtilité. Et
leurs enquêtes sont rondement menées depuis le bar de la rédaction.
Voyons : un
opposant est assassiné, Place Rouge. Il combattait Poutine, Poutine habite le
Kremlin sur la place rouge ! « Bon
sang ! Mais c’est bien sûr ! Poutine l’a tué ! » Hurrah !
Quelle perspicacité ! On ne la fait pas à un journaliste libre d’être d’accord
avec l’ambassade des USA ! Que Poutine veuille rendre célèbre un inconnu à
la personnalité plus que trouble, qu’il le tue devant sa porte, la veille de la
manifestation d’opposants à laquelle celui-ci appelait, ne leur parait pas
d’une insigne stupidité. Ni contradictoire avec l’intelligence machiavélique
qu’ils prêtent à Poutine le reste du temps. Non. Pourtant, après ce mort et sa
malheureuse famille, la première victime politique de cet assassinat est
Vladimir Poutine. Car il a été aussitôt traîné dans la boue par toute la
presse « libre, éthique et
indépendante » du monde entier, dénonciatrice ardente sur ordre des
armes de destruction massive de Saddam Hussein, de l’Iran et de tous les
autres articles de propagande prémachée des USA.
Voyons donc la
biographie de cet émouvant « authentique
démocrate ». Commençons par ses fréquentations les plus récentes dans
le cadre de son amour pour les valeurs sans rapport avec « le soviétisme » ! Il appelait
à une manifestation le 1er mars contre le gouvernement russe, ce qui est
bien son droit. La manifestation a eu lieu et a été traitée moins durement que
la manifestation à Sivens le jour ou Remi Fraisse s’y trouvait. Pour convoquer
cette manifestation, l’ami de la liberté a joint sa signature à celle d’un autre
ami du « Monde », le
raciste Alexey Navalny, leader libéral-xénophobe ultra violent. Navalny a créé
en 2006, avec des néonazis russes, le mouvement nationaliste des « Marches Russes ». Il est
l’inventeur des slogans qui ont entraîné de nombreuses violences contre des
immigrés : « la Russie aux
Russes », « Arrêtons de
nourrir le Caucase ! », « nettoyer la Russie ». Dans une vidéo en marge de ces marches,
il qualifiait de « cafards »
les habitants du Caucase : « si
l’on peut tuer les cafards avec une chaussure, quand il s’agit d’êtres humains,
je recommande d’utiliser une arme à feu ». Voilà pour l’ami de « l’authentique démocrate ». Et aussi
pour les organisateurs de la manifestation encensée par « le Monde ». Risible dans la
fabrication d’une information de convenance, le journal a aussi voulu faire
croire qu’elle était organisée en réplique au meurtre. En fait, elle se
préparait depuis des semaines sur les thèmes racistes habituels de ces
personnages nauséabonds.
Voyons à présent le
cas de Boris Nemtsov, « l’ami
des libertés », « sans
rapport avec le soviétisme » ? En effet, il s’agit d’un voyou
politique ordinaire de la période la plus sombre du toujours titubant Boris Eltsine.
Ce Nemtsov est le principal artisan des privatisations de la période 1991-1993
qui furent en fait un véritable pillage. L’homme « sans rapport avec le soviétisme » était alors nommé par
Eltsine, gouverneur de Nijni-Novgorod. Il se rendit odieux à grande échelle
comme ministre de l’Énergie d’Eltsine. Ce sont les privatisations décidées et
organisées par lui, Nemtsov, qui ont créé l’oligarchie kleptocratique russe,
fléau dont ce pays met un temps fou à se débarrasser. En effet, chaque
oligarque, généreux donateur, est défendu bec et ongle par la propagande des
agences de l’OTAN comme des « amis
de la liberté », de « l’économie
de marché » et autres habillages rhétoriques de la caste dans le monde
entier. D’ailleurs, l’entourage de « l’authentique
démocrate » Nemtsov, a fourni un riche contingent de condamnés pour
diverses malversations dans les privatisations organisé par l’homme qui « n’avait rien à voir avec le soviétisme ».
Libéral fanatique, ce
grand esprit avait été félicité à l’époque par Margaret Thatcher lors d’une
visite en Russie. Vice-premier ministre chargé de l’économie en 1997-1998, sa
gestion servile à l’égard des injonctions du FMI provoqua le crash russe. Ce
fut la plus terrible humiliation de la nation russe depuis l’annexion de
l’ancien glacis de l’est dans l’OTAN. Voilà le bilan de monsieur Nemtsov. Cela
ne justifie pas qu’on l’assassine. Mais cela devrait nous épargner d’être
invités à l’admirer comme le propose grotesquement « le Monde ». Si nous avions une presse indépendante des
États-Unis et du conformisme de la dictamolle libérale, personne ne s’aviserait
de nous le proposer.
Qui a bien pu tuer
Nemtsov ? Naturellement nous n’en savons rien. Si l’on exclut le crime
passionnel, et que l’on reste à la politique, on peut diriger l’enquête et les
soupçons du côté où il avait le plus d’ennemis. A qui profite le crime ?
Certainement pas à Vladimir Poutine : cet assassinat arrive pour lui
au plus mauvais moment sur le plan international et au plus mauvais endroit :
devant chez lui, au Kremlin. Boris Nemtsov n’était pas une menace pour
Poutine compte tenu de sa marginalisation intérieure. En Russie, les amis de
l’Ukraine actuelle qui manifestent avec le drapeau de l’ennemi sont très mal
vus. Surtout que, pour Nemtsov, son soutien à l’Ukraine ultra-nationaliste a
commencé en 2004, quand il était déjà conseiller économique du président
Ioutchenko, ami d’hier du journal « Le
Monde » et ennemi d’aujourd’hui, héros de ladite « révolution » orange. Il est certain
que la popularité de Boris Nemtsov n’a pas grandi en Russie du fait son
opposition au vote des citoyens de Crimée pour le rattachement à leur patrie
russe. Il préférait une Crimée enchaînée à l’Ukraine dont les habitants étaient
interdits de parler leur langue par ordre des hurluberlus violents de Kiev.
L’homme qui n’avait « rien à voir
avec le soviétisme » était pourtant dans cette circonstance le
défenseur d’une décision personnelle de Nikita Kroutchev, alors tout
puissant secrétaire général du Parti Communiste de l’Union soviétique, qui
décida, un soir de beuverie dit-on, de rattacher la Crimée à l’Ukraine pour
afficher la force de l’attachement de l’Ukraine à la Russie. Un peu comme si un
président français décidait de rattacher l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne
pour montrer la force du couple franco-allemand ! Car la Crimée est russe
depuis toujours, comme l’Alsace et la Lorraine sont françaises, comme l’ont
prouvé les millions de morts français tués pour la libérer de l’occupation
allemande. Notons, quoiqu’on en pense, qu’un Russe qui se prononce pour Kiev et
pour l’intervention de « l’Occident »
en Ukraine est un courageux minoritaire parmi les Russes qui vivent mal la
présence de nazis au gouvernement de Kiev, l’interdiction de parler russe dans
les terres russophones et s’émeuvent des quatre mille civils russophones tués
dans le Donbass et du crime sadique contre les quarante syndicalistes brûlés
vifs ! Sachant cela, je pense que même le plus anti-Poutine et ennemi des
Russes peut alors voir sous un autre œil la situation.
Boris Nemtsov
était un opposant extrêmement confortable pour Poutine, car il était
caricaturalement acquis aux ennemis de la Russie. Il était donc sans aucun
danger politique et parfaitement inconnu de « l’opinion occidentale » avant sa mort. Je n’en dirais pas
autant des milieux de l’extrême droite Russe. Celle-ci est aspirée dans une
surenchère permanente et des compétitions mortelles depuis que des « amis de l’Europe » comme
l’antisémite Alexey Navalny en rajoutent sans cesse dans l’hystérie xénophobe
et ultra nationaliste. Dès lors « l’authentique
démocrate », multi pensionné des officines et succursales de la
bien-pensance européenne et nord-américaine, ami public du gouvernement ultra
anti-russe de Kiev, en pointe dans le rôle de tireur dans le dos de son pays,
pourrait avoir été pour eux une cible pleine de sens. Pour ceux-là d’ailleurs,
la politique de Poutine est trop équilibrée. Eux sont partisans de la
confrontation directe avec l’Ukraine et les USA. C’est eux que le parti
américain d’Ukraine veut encourager en les poussant à bout. Le débarquement des
troupes américaines fonctionne dans ce sens. Car soyons clairs : si
l’armée russe entrait en Ukraine à la suite des provocateurs nord-américaine,
les forces qui tenteraient de s’y opposer seraient balayées en moins d’une
semaine, parachutistes américains ou pas. 600 Américains ne sont pas davantage
invincibles que des milliers d’entre eux. Ce qu’ont montré toutes les guerres
perdues par les armadas nord-américaines, à Cuba, au Vietnam, en Somalie, en Afghanistan,
en Irak. Les USA savent organiser des complots, des assassinats politiques,
acheter des journalistes et des agents d’influence dans tous les pays. Mais
militairement, ils ne peuvent vaincre que dans l’île de la Grenade des gens
désarmés, à Panama le chef des trafiquants de drogue, et d’une façon générale
des gens incapables de se défendre.
Il est important de se
souvenir que la Russie est une très grande puissance militaire, dont le peuple
en arme, que n’intimideront pas les bandes de pauvres diables chicanos de
l’armée des USA. En tous cas ces 600 parachutistes-là
ne peuvent compenser le caractère pitoyable des bandes armées ukrainiennes qui
viennent d’être défaites dans l’est du pays en dépit de la sauvagerie de leurs
actions. Tout repose donc à présent sur le sang froid de Vladimir Poutine
et des dirigeants russes. Pas de guerre ! La patience,
l’écroulement de l’économie ukrainienne, la désagrégation de ce pays qui a tant
de mal à en être un, tout vient à point a qui sait attendre. La
guerre est le pire qui puisse arriver à tout le monde en Europe et dans le
monde. La guerre au milieu de sept centrales nucléaires dont la deuxième du
monde, devant le sarcophage de Tchernobyl, la guerre serait un désastre dont
l’Europe ne se relèverait pas avant des décennies.
Les USA doivent rentrer chez eux et laisser les habitants de ce continent régler leurs problèmes.
Source : www.jean-luc-melenchon.fr : Poutine a-t-il tué le cacique eltsinien Boris Nemtsov ?
Excellent billet, tout y est dit. La nauséabonde servitude des médias français au "diktat" néocon de Washington c'est dégoûtant, c'est humiliant pour les consciences qui restent encore dans ce pays. Ô France, l'Occident coule dans les tréfonds de sa décheance morale, et tu coules même avant les autres, hélas !
RépondreSupprimerIl y a bien des sujets sur lesquels je ne suis pas en accord avec Jean-Luc Mélenchon. C’est ainsi.
RépondreSupprimerMais ici j’approuve entièrement sa prise de position et je trouve moi aussi sa réponse intelligente et bien argumentée. Je salue bien entendu son courage.
Pour une fois au moins il faut que les français s'y inspirent et exigent le retrait des forces françaises de l'Otan.
Quand on est le petit neveu du monstre Sverdlovsk , le juif sanguinaire qui ordonna le massacre
RépondreSupprimerde la famille impériale à Ekaterininburg on doit se contenter d'un profil bas surtout après la chute
de l'URSS . Ce responsable des "privatisations" de l'ère Elstine à eu un destin digne de sa famille .